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Léon-Laurent VALÈRE, le sage et la résilience

Léon-Laurent VALÈRE (Photo Antilla)

Ancien et brillant avocat au barreau de Fort-de-France, homme politique courageux (il défia un  temps Aimé CÉSAIRE), haut magistrat (il fut premier président de la Cour d’appel d’Agen), le Martiniquais Léon-Laurent VALÈRE est aujourd’hui devenu un sage, qui sort rarement de sa retraite de Clairière, où il jouit d’un repos paisible en compagnie de son épouse Rose.
Ce qui lui donne le loisir de jeter un regard averti sur notre société créole et d’en analyser les dérives.
Léon-Laurent VALÈRE a publié récemment, dans le N° 436 de la revue catholique « L’Eglise en Martinique », un article qui traduit sa grande inquiétude, mais constitue surtout un beau message d’espoir. Sans le savoir, il rejoint la démarche déjà engagée par notre association: http://www.touscreoles.fr/2011/10/17/operation-resilience-martinique/
Nous vous proposons ci-après la lecture de la réflexion de Léon-Laurent VALÈRE.

La difficulté, occasion de la victoire, ou Pour une Martinique résiliente.
En ce début d’année 2012, le monde tout entier est confronté à d’immenses difficultés.
Elles affectent les grandes nations comme les collectivités humaines plus petites, sommées de trouver d’urgence des réponses satisfaisantes à des situations aussi graves qu’inattendues.
Qui pouvait penser à l’effondrement financier des Etats-Unis, après la crise financière qui les a si violemment frappés, avant de se répandre dans l’ensemble du monde occidental, et en particulier européen auquel nous sommes étroitement liés par notre citoyenneté française ?
Les problèmes économiques de la France sont d’ailleurs étalés désormais au grand jour, et il n’est bruit que de l’inévitable période d’austérité, annonciatrice bien sûr de la réduction relative de l’ensemble des crédits d’Etat dont nous bénéficions normalement en tant que département français.
Devant les impératifs de la crise, en effet, nous ne pouvons, à la Martinique, échapper au coup de rabot du budget national, et nous nous préparons à des difficultés supplémentaires, alors que des problèmes récurrents s’y rappellent dramatiquement à notre attention.
Il suffira d’en citer quelques-uns pour prendre la mesure de l’urgence des solutions à apporter, dans une conjoncture si volatile, aux problèmes de notre Martinique :
–         Chômage important et endémique, et plus particulièrement celui des jeunes ;
–         Insécurité croissante et violences particulièrement barbares ;
–         Consommation de stupéfiants lourds, et en particulier de crack ;
–         Dégénérescence spectaculaire des valeurs d’humanité qui ont jadis si profondément marqué notre société ;
–         Justice à bout de souffle, faute de moyen d’actions suffisants ;
–         Insuffisance criante des structures pénitentiaires actuelles ;
–         Problème lancinant d’un transport public régulier, souple et très bon marché, par tous modes et à travers toute l’île ;
–         Résorption de l’habitat insalubre et des cas de misère véritable que l’on rencontre de plus en plus et qu’offense parfois l’opulence excessive de quelques-uns, etc.
J’arrête ici cette liste qui pourrait être infiniment plus longue.
Face à ces difficultés dont l’ampleur est certes exceptionnelle, un grand nombre de personnes, et parmi elles des chrétiens, s’avouent tentées par un pessimisme quelque peu désespéré, générateur d’attentisme, voire d’inaction ou de fuite, certaines préparant même leur éventuelle réinstallation en Europe !
Cette attitude négative ne saurait être approuvée et doit même être combattue.
Quel exemple d’incivisme et d’égoïsme donnerions-nous en continuant d’agir ainsi, en laissant à d’autres le soin d’accomplir la tâche qui revient à chacun de nous pour le bien commun du pays !
Un tel comportement méconnaîtrait le succès déjà remporté par notre communauté martiniquaise, tous éléments confondus, qui a su s’adapter et vaincre les suites complexes de la première mondialisation esclavagisée.
Quel autre groupe humain a sur réussir l’adaptation exigée de tous et promouvoir, dans la liberté et dans une paix relative, un peuple nouveau et multiple ?
Ce que nous avons pu mener à bien jusqu’à présent dans le respect des personnes, nous devons le continuer par fidélité à notre communauté martiniquaise qui a su saisir très tôt les chances qui lui étaient offertes, en dépit de difficultés apparemment inextricables.
Dès avant l’abolition officielle de l’esclavage, et sans considération pour la rudesse de la tâche, cette communauté a produit des ingénieurs polytechniciens (Perrinon). Plus tard, des savants : professeur Jude Turiaf, président de l’Académie de Médecine ; Gaston Monnerville, président du Sénat de la République pendant 21 ans ; Henry Jean-Baptiste, conseiller-maître à la Cour des comptes, conseiller des présidents Senghor et Giscard d’Estaing, etc.
Nous sommes toujours restés férus de savoir et d’instruction. En tout cas, notre réaction a été jusqu’ici celle d’un peuple ingénieux et résilient, et nous devons le rester.
Les recherches des psychologues modernes sur la notion de résilience doivent nous éclairer.
La résilience n’est autre chose que la capacité, pour certains êtres, de supporter avec succès les pires épreuves, trouvant dans la difficulté même l’occasion d’une action, d’une implantation et finalement d’un succès.
Il s’agit alors, non de nier ou de fuir l’épreuve, mais de trouver, dans la solution des traumatismes ou épreuves graves qu’elle implique, un authentique surcroît d’estime de soi dont chacun a besoin pour survivre.
Il s’agit, disent-ils, d’une véritable thérapie de la fierté et de responsabilité.
Certes, une telle thérapie suppose d’abord une exacte appréhension de la réalité, c’est pourquoi j’ai tenu à en évoquer au moins quelques aspects précis. Mais elle suppose aussi qu’au lieu de la fuir, on l’affronte clairement en faisant, chacun à sa place, ce qui est nécessaire au bien commun.
Que la Martinique, qui fut dans le passé une terre de souffrance et de dévalorisation, poursuive son effort pour demeurer, désormais, une terre de résilience et de vraie responsabilité.
En agissant ainsi, nous serions fidèles à notre communauté que l’on aurait pu croire détruite par les effets délétères du crime d’esclavage tant sur les esclaves que sur leurs maîtres, mais qui a su résoudre les transformations qu’imposait désormais sa liberté, en engendrant une réalité nouvelle où tous peuvent trouver place, sans drame excessif.
Plus que jamais, faisons donc le choix d’une Martinique résiliente et sachons lutter, chercher, innover, inventer un monde nouveau, même s’il doit être parfois engendré dans la difficulté.
Léon-Laurent VALÈRE, janvier 2012
Télécharger ici l’article publié par « L’Eglise en Martinique » : Pour une Martinique résiliente

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