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Conférence-débat "La place des Békés dans la société antillaise" (Suite)

Un jeune Béké vivant en France, qui a suivi la conférence-débat organisée le 18 mars dernier à Paris par Patrick KARAM, nous livre ici son analyse pertinente sur notre société, sur le silence des Békés et le combat qu’ils ont à livrer. C’est un message fort, d’autant plus qu’il vient d’un jeune.

Bonjour,

Je ne vais pas vous faire un compte-rendu du « débat » (vous pourrez en lire sur Internet ou via les emails qui circulent déjà). En revanche, je vais tenter de vous donner mon avis par rapport à ce que j’ai vécu et essayer de traduire avec des mots les émotions et les ressentis très marqués des Antillais qui étaient assis à côté de moi dans la salle.

Selon moi, nous sommes depuis toujours, passés à côté du véritable problème de fond. En effet, il y a une profonde souffrance de certains Martiniquais, et la « nier » en leur disant qu’il faut « aller de l’avant » et « arrêter de regarder dans le rétroviseur » ne résoudra pas leur mal-être.

Pour avancer, nous (Noirs et Békés) devons d’abord apprendre à accepter et à comprendre notre passé commun et douloureux, mais aussi à mieux nous connaître.

Les Noirs antillais ont un devoir de mémoire vis-à-vis de leurs ancêtres. Pour cela, ils demandent simplement qu’on les entende enfin (nous les Békés), pour qu’ils puissent nous dire les yeux dans les yeux, d’égal à égal, et ce, sans tabou ni retenue, ce qu’ils ont sur le cœur depuis des siècles. Il faut crever l’abcès car pour nos compatriotes, il n’y a jamais eu de « réconciliation officielle ». Toutes ces frustrations et ces douleurs enfouies au plus profond de leur âme avaient besoin de sortir. Or nous avons (Noirs et Békés) toujours refusé d’en parler par honte, par crainte de l’autre ou pire encore par bêtise. Aujourd’hui le temps est venu de réapprendre à vivre ensemble.

Qu’on le veuille ou non, nous les Békés sommes les représentants vivants des « colons esclavagistes », même si les Noirs antillais sont bien conscients, au fond d’eux-mêmes, que nous ne sommes pas directement responsables de cet état de fait.

Nous avons le devoir de « mouiller nos chemises » et de nous impliquer dans cette recherche identitaire et d’acceptation de soi. Ils veulent simplement pouvoir nous parler et qu’on les écoute. Ils ont également un profond besoin de reconnaissance et de respect.

Or, au fil des années, ils nous ont « attaqués » de façon virulente pour nous faire réagir. Mais, au lieu d’en profiter pour ouvrir le dialogue, nous nous sommes murés dans notre silence. En effet, nous nous sommes complètement absentés du débat public de la Martinique (notamment sur les questions politiques et sociales) et nous nous sommes focalisés sur l’entreprenariat et l’expansion économique de l’île.

Notre attitude, perçue comme élitiste et méprisante, a eu des effets dévastateurs sur nos relations avec la communauté Antillaise qui s’est sentie totalement rejetée et délaissée par les Békés.

Exacerbée par la crise, il a été facile pour les leaders des différents collectifs (relayés par les médias complices), de détourner cette peine et ce mal-être, pour les faire se transformer petit à petit en haine, afin de nous stigmatiser et nous rendre seuls et uniques responsables de l’état catastrophique dans lequel se trouve la Martinique aujourd’hui (chômage, échec scolaire, délinquance, racisme…).

Certains Antillais ont un profond sentiment d’injustice vis-à-vis des Békés, fondé sur des idées reçues erronées véhiculées par les médias locaux et nationaux et surtout une réelle méconnaissance de qui nous sommes au fond.

Nous devons bien évidement rétablir la vérité, mais nous devons également faire en sorte de sortir de ce dialogue de sourds en changeant notre approche du problème. En effet, nous essayons de répondre de façon pragmatique et rationnelle en avançant des chiffres et des faits, alors que le problème de fond n’est pas rationnel. Il est tout simplement de l’ordre du « ressenti » (humain, affectif, psychologique, …).

Dans cette histoire, les Békés ne doivent surtout pas se « victimiser ». Nous devons également descendre de notre piédestal et aller vers la population. Aucun expert en communication de l’Elysée ne peut résoudre ce problème à notre place.
C’est un travail de très longue haleine qui sera extrêmement éprouvant, car nous devrons faire face à des vérités et à des rancœurs amplifiées par des métropolitains et des syndicalistes extrémistes et révolutionnaires, qui mettront tous en œuvre pour que cette réconciliation échoue.

Guillaume HAYOT

PS : Il est impératif de regagner le cœur et la confiance des Martiniquais. Après cette réunion, je sais que le combat sera rude, mais je suis sorti de là plein d’espoir.

7 Commentaires

  1. Talie

    Bonjour,

    J’ai lu avec une certaine attention l’article qu’a écrit ce jeune béké. Je ne vais pas tomber dans la critique pour critiquer,mais je ne perçoit pas très bien la consistance de ses propros. D’aucun diront que le message est fort. Soit, mais il apporte quoi ? Aux nègres bien entendu, A moins que ce soit un mea culpa pour avoir une quelconque paix intérieure . A mon avis on ne peut pas revenir sans cesse sur cette époque douloureuse et s’arréter uniquement sur le chemin du mea culpa Il faut aller plus loin.

    A vous le devoir de réparation pour vos ancêtres
    A nous le de devoir de mémoire vis-à-vis de nos ancêtres

    .Maintenant les victimes ne sont plus là. Les coupables ne sont plus là, mais, les descendants des victimes sont là et bien là. Les descendants des coupables sont bien là également. Donc il faut faire quelque chose de significative non, pas pour réconcilier, il n’y a rien à réconcilier. C’est justement là qu’est l’erreur, Et je crois que c’est sur ce point que se trompe le Président de l’ association "Tous Créoles" , il faut RETABLIR point.
    Chacun a hérité du capital de ses descendants : Nous, la souffrance, l’humiliation, l’injustice etc…..
    Vous …!..Ce serait indécent de faire une liste
    Alors, rétablissez la siuation et ainsi on pourra vivre et non cohabité dans un pays qui est tout aussi à nous qu’à vous. Ne tardez pas parce que "l’heure de nous mêmes a sonné (Votre communauté, et nous autres antillais)

    Le problème n’est ni affectif, ni psychologique …. comme veut le faire coire l’auteur de l’article. Lui également est à coté de plaque, pour ne pas dire qu’il a tout faux. On n’a pas de problème identitaire – ni d’acceptation de notre identité. On ne se plaint pas d’être rejeté ni délaissé par les békes Si vous voulez vivre entre vous libre à vous. Personne ne viendra vous chercher pour "courrir un vidé de carnaval" Si vous y prenez part, tant mieux pour vous.

    . C’est facile de dire qu’il faut oublier pour avancer. Mais si nos ancêtres ne s’étaient pas battus (combien ont laissé leur vie en sacrifice) notre condition aujourd’hui aurait été pire que maintenant.

    Alors réfléchissez à cela RETABLIR TOUTES CHOSES

  2. Reponse à Talie

    Bonjour Talie,

    Que proposez vous comme réparation ? Comment souhaitez vous que les békés réparent ce qui pour moi n’est pas réparable ? Très concrètement Talie, quelles pistes proposez vous (terres, argent, respect, amitié, famille…)pour que les negs et les békés et les autres puissent vivre ensemble ?

    Merci d’avance pour votre réponse, car je pense aujourd’hui qu’il faut dire les chauses et sans langue de bois.

  3. Alex

    Bonjour à tous.
    J’ai lu attentivement l’article de Guillaume Hayot, ainsi que les précédents commentaires.

    Je pense que l’article de M.Hayot est bien évidemment une chose positive dans la jungle des conflit sociaux actuels (et de toujours, me semble-t-il). Mais je pense que c’est un sourire, plus qu’une véritable main tendue.

    La communauté béké, récemment pointée du doigt avec haine et placée sur le banc des accusés comme responsable de tous les maux antillais, se doit effectivement de réagir, de se défendre, de se laver des propos calomnieux qui, mélangés à de justes constatations, passent comme des lettres à la poste dans l’esprit des antillais.
    Oui, les békés ont raison de se défendre, car ils n’ont pas tous les torts, car ils ne sont pas les prédateurs que l’on dit, car ils ne sont pas responsables des actes de leurs ancêtres, car ils ont le droit de vivre sur leur île, sur leur terre, d’investir, de planter, de construire, de monter leur entreprise, d’embaucher, de débaucher, d’acheter, de vendre, de négocier, de s’associer, etc, au même titre que n’importe quel autre citoyen de ce pays.

    Mais ils doivent garder une chose à l’esprit : ils ont reçu en héritage quelque chose de bien plus précieux que ce que les autres antillais ont reçu.
    Je ne parle pas de possession, de terre, d’argent (quoique), mais je parle d’éducation, de bonnes manières, de bons conseils, de soutiens familiaux, de valeurs morales. Ce qui les place dès leur naissance dans une sphère de protection où leur développement s’en trouve facilité.

    Malheureusement, et c’est ce qu’inconsciemment les conflits actuels ont révélé, les békés n’ont pas eu la capacité (ou la volonté) de partager cet héritage avec les autres antillais. Ils n’ont pas fait cet effort sûrement difficile de s’impliquer dans le développement social des Antilles. Ils se sont murés avec leurs avantages et leur opportunisme comme l’aurait fait, je suppose, n’importe quelle autre communauté.
    C’est la loi de la nature, la loi du chacun pour soi, la loi d’une société aux idéaux capitalistes. Personne n’a envi de donner dix euros à un pauvre dans la rue quand on en a besoin pour aller au cinéma.
    C’est sur ce schéma que les békés ont traversé les décennies. Doit-on leur en vouloir? Théoriquement non, car ils ont agi comme tout le monde le ferait dans notre société occidentale. Même le pauvre dans la rue qui trouve deux euros à terre n’ira pas le donner à un autre encore plus pauvre. Et si les békés avaient été les esclaves et les noirs les maîtres, les choses auraient été, inversement, exactement les mêmes aujourd’hui.

    Les békés doivent désormais dépasser cette liberté que leur offre notre monde occidental et capitaliste (qu’il n’est pas question de remettre en cause ici), et se forcer à agir pour une entraide sociale. Il est impératif que les békés cassent le mur de leur enceinte communautaire afin de s’ouvrir aux autres antillais.
    Ce n’est évidemment pas une tâche aisée, car ce mur est haut et solide et qu’il y a de l’autre côté une société antillaise qui comporte, elle aussi, son lot de d’erreurs et de problèmes qui ne sont pas tous attribuables à leur pauvre héritage.

    Des efforts doivent être consentis, des mains doivent être tendues et ces mains tendues doivent être saisies, des choses du passé doivent être pardonnées, des aprioris doivent être effacés, des chances doivent être données et même des secondes chances (pour des emplois par exemple), des investissements doivent être fait dans des installations, dans des écoles, dans des centres de soin, d’éducation, des rancoeurs doivent être oubliées, des comportements hargneux doivent être évités, des actes délictueux engendrés par la haine, la jalousie et l’envie doivent cessés, etc, etc, etc, etc.

    C’est un combat main dans la main qui doit être mené contre les difficultés de notre société. Et non un combat l’un contre l’autre.
    Eli Domota a au moins eu le mérite de secouer cette société afin de faire sortir au grand jour des problèmes tapis dans l’ombre. Peut-être l’a-t-il secouer trop fortement et qu’il doit désormais s’arrêter, mais ses actes destructeurs n’ont-ils pas donner des envies de reconstruction? Quand on lui avait demandé pourquoi agissait-il de façon si virulente, il avait répondu que c’était justement pour éviter une explosion générale qui dans quelques années aurait été bien plus massive et destructrice.
    Il faut parfois reconnaître qu’il y a eu du bon dans ses méfaits.

    Peu importe que ses actes, que ses idées soient critiquables, cela a permis à la communauté béké de se rendre compte de l’importance qu’il y a de s’impliquer davantage dans le développement social et d’œuvrer pour le rapprochement des communautés.

    Il ne suffit pas de se comprendre les uns et les autres. Il faut s’entraider.

  4. Bonjour, Alex Je viens de lire votre commentaire, qui constitue selon moi l’une des analyses les plus justes qu’il m’ait été donné de lire sur notre société martiniquaise, et en particulier sur le groupe des Békés. Non seulement votre analyse est pertinente, mais de plus le ton en est juste et mesuré, ce qui la rend encore plus importante. Merci de votre contribution sereine à ce débat de société. N’hésitez pas, si vous le souhaitez, à me contacter directement au 0596.504.999 (HB) Amitiés créoles, Roger de JAHAM

  5. Reponse a Alex

    Bonjour Alex
    Votre commentaire est en effet très pertinent : sur les notions de mettre les choses à plat et de construire l’avenir antillais.

    Il est évident qu’un abcès a été crevé et ce grâce à des revendications en partie légitimes. Sauf pour les conséquences économiques qui sont pour le moins catastrophiques. Mais si le conflit n’avait pas été aussi loin, aurions-nous eu la mobilisation, certes tardive, du gouvernement et la mise en place des états généraux qui sont "un" des outils au devenir et la prise en main des Antilles par les antillais.

    Les antillais et les Antilles en sortiront grandis, j’en suis convaincu.

    Toute la communauté antillaise n’a qu’une pensée aujourd’hui « son avenir ».

    Avec toutes les questions soulevées lors de ce conflit ; elle a été mise au pied du mur.
    Une levée d’opinion de tous bords c’est fait ressentir et à mener bon gré mal gré a des échanges souvent houleux souvent cordiaux.

    Mais une conscience antillaise s’est dégagée sur les derniers mois ; son futur a tant qu’ensemble. Car l’ensemble n’a jamais été mis en doute dans le cœur des antillais (malgré cette stigmatisation incessante de la part des médias de la communauté béké) c’est le futur qui l’a été.

    Par contre, je ne peux m’empêcher d’être choqué par certains de vos propos, je me permets donc vous poser la question de façon publique :
    Soutiendriez-vous que SEULS les blancs créoles sont éduqués, capables de bonnes manières, évolues au sein de familles soudées, inculqués de valeurs morales ?

  6. Alex

    Voyons, je vous en prie, ne jouons pas sur les mots, ni sur les notions de généralités et de particularités.
    Je ne soutiens aucunement que seuls les blancs créoles sont éduqués, ont des valeurs, etc. Ce serait totalement déplacé et injurieux envers les autres communautés antillaises.

    Mais il existe au sein de la population antillaise issue de l’esclavage un certain nombre de personnes, de familles et de groupes qui survivent avec de grandes carences sociales. Inutile de sortir les statistiques, un simple tour en voiture dans les quartiers chauds de Point-à-Pitre ou de Fort-de-France suffira.
    Par carences sociales, nous comprenons bien sûr déscolarisation, déstructuration familiale, violences conjugales, alcool, drogue, criminalité, pire : désolidarisation des individus entre eux, etc, etc. Et tout cela va bien entendu de paire avec chômage et détresse financière.
    Nous conviendrons tous que ces groupes de population ne sont généralement pas dans une posture confortable pour donner à leurs enfants une éducation convenable, en adéquation avec le monde économique et social, avec le marché du travail. Ce que eux-mêmes n’ont pas reçu de leurs parents, ni de leurs grands-parents, ni de leurs arrières grands-parents, etc.
    Encore une fois, je parle de "certains" groupes de population, qui bien entendu ne sont pas représentatifs de la société antillaise, heureusement.
    Cependant, et comme dans toutes les autres sociétés, antillaises, métropolitaines, et d’ailleurs, nous retrouvons ces carences dans toutes les couches de populations, bien-entendu, de façon plus ou moins fortement diluée.
    Et oui, même chez les békés (même si cela est disons anecdotique).

    Dans leur grande majorité, les jeunes békés reçoivent une éducation relativement complète et, grâce à l’appui financier de leur famille, accèdent à des formations sophistiquées (grandes écoles, stages à l’étranger, etc). Dans leur grande majorité, les jeunes békés ne sont pas confrontés à la précarité, à la délinquance, à la violence, etc. Les jeunes dont les parents sont en difficulté sont pris en charge par les autres membres de leur famille.

    C’est ainsi que j’ai pu affirmer dans mon précédent message que "les jeunes békés sont placés dès leur naissance dans une sphère de protection où leur développement s’en trouve facilité."

    Mais il en va sans dire que ce n’est un fait purement béké. Bien sûr que non.

  7. J’avoue que j’ai beaucoup de mal a comprendre qu’on puisse juger quelqu’un responsable de ce qu’ont fait ses ancêtres. J avais lu ça dans la bible ( maudire jusqu’à la énième génération, payer le pêche originel d’Adam et Ève …) et ça me paraissait totalement cinglé. Mais dans ce forum, il y a des gens qui parlent sérieusement de reprocher a quelqu’un ce que ses ancêtres ont fait…. C’est du délire… Comment savoir qui sont les ancêtres? Et si il y a eu des spermatozoïdes d’un amant, au lieu du mari, ou même du curé… Comme,t on trouve l’ancêtre?c’est pire que les délires de Sarkozy sur la délinquance héréditaire…. Moi, je n’ai aucune idée de qui sont les ancêtres au delà de mes grands parents…. Et plus je m’en fiche complètement. C’est grave, docteur?
    Qui impute les fautes de ses ancêtres a quelqu’un? Les fanatiques politiques (nazis qui déportaient pour plus de 50% de sang juif, communistes qui fusillaient pour origine bourgeoise…), fanatiques religieux (qui tuent les descendants de chrétiens au Nigeria)…
    On en est là en Martinique?

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