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Une bien "Belle créole" !

"Avec un plat créole à cinq euros tu es koré pour la journée !"
« Avec un plat créole à cinq euros tu es koré pour la journée ! »

Tout au bout des Terres-Sainville à Fort-de-France (Martinique), en contrebas de la rocade, juste à l’endroit où la rue Simon-Bolivar adopte le numéro 40 : « La Belle créole ». Un lieu unique où se retrouvent toutes les communautés créoles de l’île.

Lui, Wilner PRÉVILON, est Haïtien. Originaire du quartier Carrefour à Port-au-Prince, il vit ici depuis 1989. « Mwen fè mason, koupé zèb, jobé ba béké…Mwen za trennen » (j’ai été maçon, coupeur d’herbes, jobeur chez les bourgeois… J’ai tout fait) confie-t-il. Brenda LINE, elle, nous vient de Sainte-Lucie et a débarqué en Martinique en 1991. « Parce que depuis là-bas, dans mon village de Benson, je m’étais dit que je viendrais ici. Je suis arrivée pour trois jours et ne suis jamais repartie ». L’un et l’autre ont travaillé au Cap-Est, où ils se sont rencontrés. Puis Brenda LINE a été engagée dans plusieurs restaurants chinois. Le temps de s’acclimater au pays (à moins que ce ne soit l’inverse) et ils se sont « jetés dans le grand bain ».
Alors, ils s’installent à Foyal et ouvrent leur premier commerce. Aux Terres-Sainville, évidemment ! Car c’est là où réside la majorité des 2.500 Haïtiens recensés à ce jour en Martinique. « Notre boutique de la rue Robespierre marchait bien », se souvient Wilner, en servant une assiette de riz djon-djon.  Avec les « bananes pesées » et le gryo, ce plat fait à base de riz et de champignons qui est un des plus réputés de la gastronomie haïtienne.

Brenda, Wilner et leur fille travaillent dès sept heures du matin.
Brenda, Wilner et leur fille travaillent dès sept heures du matin.

Des cigarettes « à la tige » et le rhum par « roquille »
Pour l’heure, le couple a fort à faire. Car il s’agit d’une boutique communautaire. Un lieu ouvert sept jours sur sept, de huit heures du matin à deux heures le lendemain. Un sanctuaire où l’on peut retrouver les produits haïtiens ; où les cigarettes se vendent « à la tige », et où le rhum se détaille en « roquille ». Bien évidemment, Brenda sera obligée de cuisiner quelques plats dominicains ; sans oublier le pickle -qu’on appelle achards de légumes à la Réunion- de son île natale. Pour s’agrandir, le couple prendra un plus grand local…
Et puis un jour, ils rencontreront les propriétaires martiniquais de la Belle créole. Le snack-PMU vivote, a du mal à décoller. Et enfin dépose son bilan. Wilner, lui, a confiance. En rachetant le fond de commerce, il sait qu’il fournit une visibilité à sa communauté. Des hommes et des femmes, pas forcément argentés, mais travailleurs. Et en manque de leurs traditions culinaires et artistiques.
Le succès est immédiat. Du matin au soir très tard, le site ne désemplit pas. Les conversations se mêlent, s’entrecroisent et se côtoient en anglais puis en espagnol, pour finir en une déclinaison de créoles martiniquais et haïtien. Et toujours dans la bonne humeur. Car ici les portions sont pantagruélique et les prix, d’une chétivité de « poulet bicyclette ». « Le plus cher de nos plats est le lambi, à dix euros. Sinon tu peux bien manger chez nous avec cinq euros ». Et en plus, parfois les soirs de fin de semaine, un « orkès twoubadou » vient donner l’aubade. Et tout ça se termine au petit matin devant un « gras’ manjé », pour affronter la journée.
Texte et photos : Éric HERSILIE-HÉLOÏSE
Première publication : France-Antilles Martinique du samedi 29 juin 2013

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