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Quand la cuisine de Babette s’envole au-dessus des océans

Babette de Rozières

Nous reproduisons ici avec gourmandise un article de Lucienne Chénard publié dans LE MAG France-Antilles du 25 Mars 2017 sous la rubrique « La rencontre/Bokantaj ». L’interview de la Guadeloupéenne Babette de Rozières, grande ambassadrice de notre cuisine créole.

 
C’est à bord d’un avion d’Air France que nous avons rencontré la chef Babette de Rozières, en charge depuis début mars et pour un an des plats proposés aux passagers des classes Business et Premium Economy de la compagnie, au départ des Antilles.
Émissions télé, restaurant, salon de la gastronomie des Outre-Mer – lancé en 2015 et exceptionnellement reporté cette année à cause de ses ambitions politiques -, projet de circuit de la gastronomie… Et comme si cela ne suffisait pas, voilà Babette sollicitée par Air France pour être le chef à bord ! Une « promotion » dont elle se réjouit, première femme chef antillaise à faire voyager notre cuisine à bord de cette compagnie internationale.
Dos de cabillaud mariné au citron vert

Quand la compagnie est venue vous chercher, vous avez dit oui tout de suite ?
Non, parce qu’à la même période, je devais partir à l’ONU pour faire la cuisine pour des chefs d’état. Je n’allais pas laisser tomber l’ONU, et je ne pouvais pas dire non à Air France qui me sert de base pour véhiculer ma culture. Ils ont eu la gentillesse de m’attendre. Ma mission à l’ONU terminée, je me suis mise à étudier les recettes pour Air France. Ce sont des recettes exclusives ! On ne les trouvera pas ailleurs !
Comment cela s’est-il passé ?
Cela a demandé du temps parce que la cuisine créole est très élaborée. Nous avons des modes de cuisson qui nous sont propres, on macère tout, on fait mijoter à petit feu pour faire ressortir les saveurs… La cuisine créole, c’est comme une cérémonie, quand on est devant son fourneau pour cuisiner, on sait qu’on va y passer du temps ! Il faut réajuster les ingrédients, marier les épices, il ne faut pas qu’il y en ait un qui déborde plus que l’autre, il faut que ce soit harmonieux en bouche, il faut aussi que la cuisson soit parfaite surtout lorsqu’il s’agit de poisson. D’autant que je marie les produits créoles avec d’autres… et ils ne divorcent pas ceux-là, ils s’adorent ! Là, je viens de faire un risotto avec de la banane plantain. Il faut bien la choisir, pas trop mûre… et le mélange est agréable en bouche. (NDLR : je confirme)
Fricassée de poulet caramélisé

Comment avez-vous choisi ce menu ?
C’est un menu que j’ai étudié pour Air France et surtout par rapport à la clientèle d’Air France. En Business, on n’a pas que des créoles, on a toutes les nationalités, les palais ne sont pas les mêmes, donc il faut harmoniser les épices, les herbes, sans que cela choque le palais, et en même temps que les passagers retrouvent d’autres saveurs que celles auxquelles ils sont habitués. Je pense avoir réussi. C’est une question de dosage et croyez-moi, pour doser des épices, surtout pour des plats qui sont dégustés en altitude, il faut savoir de quoi on parle.
Le plat cuisiné au sol, quand il monte en altitude, change. Les goûts sont atténués. Il faut aussi ne pas surchauffer le plat.
Alors, j’ai mis en place une petite méthode qui consiste à ne pas trop cuire au sol, et à veiller à la température dans l’avion de façon à ce qu’en réchauffant, ça termine la cuisson. Et c’est comme ça qu’on a du moelleux, que ce soit pour le poisson ou la volaille.
C’est un peu compliqué mais j’ai fait des tests. J’ai cuisiné à Paris, j’ai fait voyager les plats, ça m’a permis de goûter, de réajuster et ensuite d’écrire la recette. Car la recette, il faut l’écrire au grammage près ! Si le chef n’est pas là, il faut que celui qui prend la relève puisse refaire la même recette. Donc c’est au grammage près. Chez moi c’est un vrai laboratoire ! Maintenant je suis tranquille. Je suis très à cheval sur les principes concernant mes assiettes, non seulement la présentation mais le goût, donc j’ai bien briefé les gens de la Servair. Et (vérification faite le jour même) mes plats sont nickel ! En plus, il faut faire attention au sucre, au sel… tout ça a été étudié pour que quelque soit la personne qui dégustera le plat, il y trouvera son bonheur. Et puis, je le dis souvent, le piment n’est pas une nécessité. C’est comme la moutarde, on n’en met pas en quantité sur une viande. C’est servi à part, à volonté.
Gigotin de poulet fermier

Heureuse de l’expérience ?
Je suis assez fière et contente d’avoir réalisé tout ça avec des produits du terroir antillais. Nous avons une agriculture qui est en pleine évolution, nous avons des jeunes qui transforment les produits admirablement, et surtout les produits sont de qualité. J’ai imposé mon cahier de charge pour mes produits et là, je travaille avec des produits de très grande qualité et j’en suis très heureuse. Nous avons réussi notre pari.
Je suis très très contente… parce que je continue à mettre en valeur les produits du terroir des Outre-mer. Et puis, Air France me sert de tremplin pour faire mieux connaître cette gastronomie qui a été souvent bafouée, et maintenant je vois qu’il y a un engouement. Nous avons du talent, il faut le faire connaître.
Entretien Lucienne Chénard / LE MAG France-Antilles 25 Mars 2017
Photos Air France COM
EXERGUE
“ L’identité d’un peuple se lit dans son assiette  »
 

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