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Sé douvan nou ka gadé, pass sé douvan nous lé allé !

Christian RAPHA

Extraits du discours de paix et de fraternité prononcé par Christian RAPHA, Conseiller municipal de Saint-Pierre, lors de la cérémonie du 22 Mai 2009 à Saint-Pierre.

Bienvenue à Saint-Pierre, ville sans pareille, dont une amie de passage m’a dit un jour : « cette ville est unique…elle a une âme. » Bienvenue en ce lieu où il y a 161 ans nos ancêtres, ici même, au pied de cet escalier de l’Intendance de l’époque, écoutaient le gouverneur ROSTOLAND décréter l’abolition officielle de l’esclavage.
Ils venaient de forcer leur liberté et leur dignité.
Il leur fallait dès lors, après la détresse et les épreuves douloureuses et inhumaines de l’esclavage, retrouver une existence, non pas habituelle, car la majorité d’entre eux n’avaient jamais connu la liberté, mais tout au moins pacifiée. Ils ont réussi à dépasser, à transcender le traumatisme et l’ignominie de l’esclavage dans un processus de résilience afin de créer les conditions d’un « vivre ensemble » acceptable pour l’époque.
Mais les chercheurs tels que Jacques BRANDIBAS, dans son analyse de la « créolisation et résilience à la Réunion », reconnaissent que « les processus de résilience n’ont pas de fin et qu’ils sont inhérents à la nature humaine. »
Chaque génération a sa part du chemin à accomplir.
Pour que nos ancêtres qui se sont battus pour leur liberté, pour notre liberté et notre dignité et qui nous regardent certainement de là-haut soient fiers de nous.
Il nous revient à notre tour la responsabilité, mais surtout l’opportunité et la chance, d’inventer, de créer les conditions d’un bien vivre ensemble acceptable pour notre époque.
Alors, aujourd’hui, allons-nous faire le choix de la rancœur, de la haine et de la violence pour résoudre les problèmes qu’il nous reste à résoudre et qu’il ne s’agit pas pour moi de nier ?
Je dis, avec Victor HUGO, à ceux qui voudraient nous entraîner dans cette voie :
« Vous êtes malheureux de la beauté de la beauté des astres…
Vous trouvez l’océan trop clair, trop noir, trop bleu…
Vous détestez le ciel parce qu’il vous montre Dieu…
Vous êtes envieux de voir voler la mouche et de voir le ver luire…
Vous avez quelque chose en vous qui vous défend d’être bons, et la rage est votre rêverie.
Tant pis pour vous, nous on aime la vie ! »
Nous avons fait le choix d’accepter, d’assumer et d’aimer ce que nous sommes.
Forts de la richesse de notre identité créole, forts de notre diversité culturelle, forts de nos différences brassées dans ce « melting-pot » ethnique qui nous reste à parfaire, forts de la beauté de notre île et de son ancrage caribéen, Nous serons le trait d’union entre l’histoire et l’avenir.
Nous serons le trait d’union entre les générations.
Nous serons le trait d’union entre Saint-Pierre, la Martinique et l’Europe.
Et nous inventerons, nous créerons les conditions de ce mieux « vivre ensemble » qui nous permettra de transmettre à ceux qui nous succèderont, nos enfants, une Martinique dont ils seront fiers.
Et ils seront fiers de nous comme nous le sommes de ceux qui nous ont précédés et à qui nous rendons hommage aujourd’hui. Et je sens ce désir de vivre et de construire ce modèle de société, ces nouvelles relations entre les hommes et les femmes qui constituent notre communauté martiniquaise.
Je le sens ce désir, puissant, chez ces jeunes qui nous entourent aujourd’hui.
Notre référent à tous, Aimé CESAIRE, disait dans son « Discours sur la Négritude » : « Maintenir le cap sur l’identité, ce n’est ni tourner le dos au monde, ni bouder l’avenir, ni s’enliser dans le ressentiment. Notre engagement n’a de sens que s’il s’agit d’un ré-enracinement, certes, mais aussi d’un épanouissement, d’un dépassement et de la conquête d’une nouvelle et plus large fraternité ».
Ce discours, Aimé CESAIRE le prononçait à Miami, en 1987, vingt deux ans avant l’investiture de Barack OBAMA.
Alors manmaï, sé kap ta la nou lé tchiembé, sé douvan nou ka gadé, pass sé douvan nous lé allé, alors bwa pour nous allé.
Christian RAPHA,
Conseiller municipal UMP de Saint-Pierre

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