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Conférence esclavage et décolonisation – le point de vue d’un spectateur…

D’abord, j’ai de l’admiration pour l’initiative, marquée du sceau du courage et de la volonté de progresser ensemble !

La place importante faite à la Doctrine Sociale de l’Eglise fut un moment très fort des exposés.

Il en fut de même pour les propos exprimant la relativité des modes de représentation des saints.

L’exposé sur la démarche actuelle de l’Eglise en Martinique permit de souligner la volonté de l’Eglise d’agir sur l’essentiel de sa mission, sans compromission ni renoncement.

Peut-être a-t-il manqué un rappel de l’engagement de celle-ci dans l’accompagnement social de la population libérée de l’esclavage, durant la fin du 19ème siècle et la première moitié du 20ème siècle. Au-delà des perspectives impérieuses de l’évangélisation, et hors toute expression d’une aspiration plus ou moins discutable au pouvoir séculier, l’Eglise en Martinique a apporté un concours soutenu aux initiatives ou institutions dispensant aux populations un secours que l’Etat ne prenait en considération que d’une manière très marginale, s’agissant d’une population « colonisée ». On peut citer le Centre de l’Espérance, l’Ouvroir, le Centre Ventura, l’Hôpital civil, des dispensaires, des écoles.

Il reste, cependant, des silences que l’on s’attendait à voir combler quelque peu à cette occasion.

-1 La doctrine sociale de l’Eglise rarement invoquée, reste un inconnu de la population. Ce n’est pas étonnant puisque son concept et sa diffusion ne remontent pas au-delà de l’année 1891, et ne concerne évidemment pas la période antérieure marquée par le régime colonial et l’esclavage.

Elle est très peu évoquée, même si ses principes majeurs ( la dignité de la personne humaine – le bien commun –  la subsidiarité – la solidarité ) sont simples et d’accès universel.

L’impératif de sa diffusion fut, notamment vécu, entre 1950 et 1958 par l’Aumonerie des Etudiants d’outre-mer, 6 rue Thibaud à Paris, dirigée et animée par le père Michel Joseph, et les pères Zaïre et Miron. Il y eut une action énergique d’information et de diffusion, menée par les jeunes étudiants antillais et africains dans le but de faire connaître les idées fortes et humanistes soutenues par des évêques et théologiens sur les problèmes humains rencontrés dans les pays anciennement colonisés.

Un numéro spécial de la revue étudiante africaine Tam-Tam (la revue étudiante antillaise était Alizés) fut largement diffusé à cet effet. Les étudiants d’outre-mer de la rue Thibaud forcèrent l’admiration en participant à une « opération spéciale » qui consista à vendre cette revue à la sortie des nombreuses messes des églises parisiennes, à un public estomaqué.

– 2 Le rejet de l’esclavage fut porté, semble-t-il depuis très longtemps, sous le régime colonial, par des religieux ou penseurs catholiques courageux, dont la mémoire, dissoute à l’époque par les contraintes sociales, mériterait d’être suffisamment réhabilitée et mise en mémoire et en relief. Cette conférence était peut-être une occasion pour saluer, avec notre regard moderne, ces « résistants », véritables éclaireurs, qui payèrent cher leur audace spirituelle.

-3 Sous l’empire de l’article 2 du Code Noir de mars 1685, « …Tous les esclaves qui seront dans nos îles seront baptisés et instruits dans la religion catholique, apostolique et romaine… ». Ce rappel ab initio par le conférencier fut particulièrement pertinent. Cependant, le reproche ressenti par beaucoup, de la pratique par l’Eglise d’une duplicité tacite (ou active) envers le principe esclavagiste, mériterait d’être examiné.

Ce flou continuera à être ressenti, et transmis par les générations, à défaut de données historiques recensées. Cependant, de nos jours une catégorie de citoyens martiniquais ne cessera pas de louer cette pratique : ce sont les chercheurs en généalogie. Les registres paroissiaux tenus durant la période coloniale sont parfois le seul moyen de retrouver un ancêtre esclave très éloigné !

En définitive, cette conférence présentée sous un énoncé (Eglise catholique en Martinique entre esclavage et décolonisation) a traité d’un sujet (Eglise, esclavage et colonisation) plus proche du plaidoyer « pro domo », mais encore peu apte à rendre compte du concert multiséculaire où l’Eglise catholique a participé d’un système socio politique massif, univoque, puissant, quasi irrésistible.

Les questions posées après les exposés, ont clairement manifesté cette attente, qui relèverait d’une recherche historique vraisemblablement inapte à elle seule à permettre de « digérer » un passé lourd et ineffaçable.

Robert Charlery-Adèle

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