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"Ainmin la vie" par Francisco

Francisco-couv-ainmin la vieDepuis son lit de souffrance -il restera alité durant 18 ans- Francisco a dicté ses mémoires à sa garde-malade, Rose Camille MARIGNAN. Un livre à quatre mains, pourrait-on dire, qui raconte le parcours peu ordinaire de ce Créole à tout coeur, de son enfance à Saint-Pierre (Martinique) jusqu’à 2005.
« Ainmin la vie« , quel meilleur titre pour évoquer la vie de Francisco, qui l’a croquée à pleines dents, au travers de ses aventures et ses rencontres extraordinaires, sa carrière artistique, ses multiples amours, ses nombreux voyages, sa passion pour la musique, la chanson, la Martinique et le judo.
« Ainmin la vie« , c’est aussi le cri d’espoir d’un homme qui s’est accroché à elle, convaincu qu’elle méritait d’être vécue jusqu’au dernier souffle…
L’ouvrage est doublement préfacé, par ses amis Roland SUVÉLOR et André LUCRÈCE.
>>>> Nous en profitons pour vous proposer ci-après la lecture de l’émouvant éloge funèbre de Francisco, prononcé le mercredi 23 avril 2013 à la cathédrale de Fort-de-France par son disciple en arts martiaux Jean-Paul JOUANELLE, membre de l’association « Tous Créoles ! » et président du « Norca Karaté Club ».

IN MEMORIAM

Francisco,
Un certain nombre de circonstances font que c’est en ma personne, à un de tes élèves qu’il a été demandé de t’adresser l’ultime adieu.

Jean-Paul JOUANELLE
Jean-Paul JOUANELLE

Je ne peux parler au nom de tous ceux qui t’ont bien connu et donc aimé. Je me bornerai à tenter d’être simplement le porte-parole de ceux que tu as formés, éduqués et souvent littéralement sauvés, à travers l’enseignement des arts martiaux.
Je veux parler du judo, du karaté, de l’aïkido et du yoseikan budo. Autant de pratiques qui forment avec d’autres, la vaste famille de l’art du combat traditionnel japonais. Autant de disciplines que tu as pratiquées et enseignées avec la même sincérité, la même persévérance et la même réussite. Ces arts martiaux qui ont été si importants pour toi tout au long de ta vie et ce jusqu’au tout dernier moment. Parce que la moindre des choses pour un samouraï, c’est de savoir mourir, surtout quand c’est au terme d’un très long combat.
Voici donc arrivé, Francisco, le moment où s’est achevée ta première vie. Ta mort, cette brutale rupture, fait qu’à partir de maintenant, survient le temps du jugement terrestre sur ta trajectoire de vie. Jugement sans appel !  Fondé sur ce que tu as fait, œuvre à laquelle tu ne peux plus apporter aucune retouche. La Parque d’une main ferme a tranché le fil qui ne pourra plus être renoué, dans ce monde du moins.
La tentation est forte pour beaucoup, et cela est humain, de mettre ce que tu as accompli dans l’un des plateaux de la balance, l’autre contenant tes failles et tes faiblesses. Il suffit ensuite de voir de quel côté penchera le fléau.
Mais pour tes élèves, pour nous, il ne peut s’agir de cela. Pas question de nous livrer à quelque tri funéraire que ce soit. Nous en sommes incapables. Non pas que nous ne sachions que, comme tout mortel, tu as été un être faillible, avec ses instants de faiblesse et l’accumulation d’un certain nombre d’erreurs. Mais qui n’en fait pas ?
Non !  Pour nous, tes élèves, cela pèse peu, très peu, en regard de ce que tu nous as donné, de tout ce que tu nous as si généreusement enseigné.
Et en ce moment, ce sont d’autres sentiments qui nous animent, sentiments mêlés qui ne cessent de s’entrelacer violemment.  Avant, nous l’espérons, que le temps ne fasse son œuvre et nous apporte la paix.
Il y a d’abord une culpabilité très forte.
Celle qui nous envahit comme à la disparition de tout être cher. C’est un déchirement, c’est vrai ! Nous avions besoin de toi ! Nous le mesurons à quel point aujourd’hui, en cet instant. Et nous ressentons une peine multiple ! Nous nous demandons en nous-même, si nous avons su te témoigner toute l’estime, toute l’amitié et toute la reconnaissance dont tu étais digne. Si nous avons étés à la hauteur. Et à la vérité, pour la plupart d’entre nous dont je suis, nous savons que ce ne fut pas le cas.
Parce que nous ne reverrons plus ton visage, nous n’entendrons plus ta voix si particulière, nous ne toucherons plus ta main amie. Tout ce qu’il y avait encore entre nous de promesses, de projets en gestation, tout cela est maintenant devenu impossible avec toi. Mais nous continuerons parce que tu nous l’as ordonné.
J’ai parlé de culpabilité. Mais il y a aussi un autre sentiment très fort qui est aussi présent et nous croyons qu’avec le temps, c’est celui qui s’imposera. Ce sentiment, c’est notre très profonde reconnaissance à ton égard.
Parce que pendant une période de notre vie, nous avons eu la chance, après t’avoir rencontré, de franchir la porte que tu nous as ouverte vers un autre monde dont nous ignorions tout. Nous t’avons alors suivi sur les tatamis. Nous t’y avons adressé au début et à la fin de chacun des rendez-vous que tu nous donnais le salut au maitre, au « Sensei » que tu n’as plus cessé d’être pour nous.
Tu nous as fait pénétrer dans cette formidable école de courage, de persévérance, d’ascèse et de perfectionnement que sont les arts martiaux. Et tu nous y as invité à mettre réellement en pratique le principe antique et aussi combien actuel du « Connais-toi toi-même ».
Tu nous as fait enfin sentir la pure joie de vivre qu’apporte l’entraînement sincère dans la rigueur et le respect des principes du budo.
Nous entrions à peine dans l’adolescence et nous en avons été marqués pour la vie. Tu as ainsi planté un arbre extrêmement solide dans cette terre martiniquaise. Il est tel le fromager qui domine Saint-Pierre, fromager au pied duquel Aimé CESAIRE tenait à venir régulièrement se recueillir. Fromager qui a résisté victorieusement à tout : éruptions, cyclones, tremblements de terre. Fromager dont la sève est vivante en nous, vibrante de force et de beauté. Et même les jeunes pratiquants martiniquais d’arts martiaux qui, parfois, ignoraient jusqu’à ton nom avant un certain jeudi de la semaine dernière, savent maintenant qu’ils ne sont, tout comme nous les plus anciens, que les feuilles de cet arbre. Cet arbre aux racines d’autant plus profondes que, grâce à toi, elles ont rencontrées très tôt celles de notre danmyé.
De tout cela, nous te remercions Francisco ! De tout cela, nous te sommes redevables à tout jamais.
C’est l’héritage que tu nous as laissé ! C’est celui que nous avons maintenant le devoir de faire fructifier, parce qu’encore une fois, tu nous l’as ordonné.
Francisco, tu peux partir tranquille. Avant que nous ne nous retrouvions dans une autre vie parce que nous croyons aux forces de l’esprit. Vas maintenant rejoindre ceux qui t’ont précédé comme Taylor JEAN-BAPTISTE, Paul DESIRE-FAULA, Alain BRANCHI et tant d’autres. Et livre-toi avec eux aux randoris célestes dont tu as rêvés. Nous ne sommes pas loin derrière toi. Nous arrivons !
Que la terre te soit légère, Sensei !
Jean-Paul JOUANELLE

2 Commentaires

  1. Jean Paul Jouanelle

    Merci pour lui et les pratiquants d’arts martiaux.
    Jean Paul Jouanelle

  2. Hélène Gressier

    Francisco est le symbole de la créolité musicale, le pont fraternel, martiniquais et caribéen…hommages à sa famille
    Hélène Gressier

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