RENCONTRE AVEC ELISABETH MORENO POUR LE MOIS DES MÉMOIRES
RENCONTRE AVEC ELISABETH MORENO POUR LE MOIS DES MÉMOIRESRENCONTRE AVEC ELISABETH MORENO POUR LE MOIS DES MÉMOIRESRENCONTRE AVEC ELISABETH MORENO POUR LE MOIS DES MÉMOIRESPublié le 09/05/2021 par FMECOMMÉMORATIONSImage
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Repéré sur le site de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage.
A l’occasion du 10 mai, Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, Elisabeth MORENO, ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, a accepté de répondre aux questions de la FME. Elle y parle de son expérience de la mémoire de l’esclavage, de l’importance de la transmission de l’histoire, de ses actions au sein du gouvernement contre le racisme et les discriminations. Entretien exclusif.
Madame la Ministre, cela fait maintenant presque un an que vous avez été nommée auprès du Premier ministre comme ministre chargée de l’égalité femmes-hommes, de la diversité et de l’égalité des chances. Pour nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas encore, pouvez-vous nous dire en quelques mots qui vous êtes, et ce qu’a été votre parcours jusqu’à votre entrée au gouvernement ?
Je suis née aux îles du Cap-Vert, un archipel qui se situe dans l’océan Atlantique au carrefour de l’Afrique, de l’Europe et de l’Amérique latine. Cet archipel est si petit que, parfois, les géographes distraits oublient de l’insérer sur les cartes du monde. La position géographique du Cap-Vert en a fait un lieu de passage important du commerce esclavagiste et à ma naissance en 1970, l’archipel était encore une colonie portugaise. Les drames de la vie ont amené ma famille à quitter le Cap-Vert en 1976 et, après un bref passage au Portugal, je suis arrivée en France à l’âge de sept ans.
J’ai grandi dans les quartiers populaires de Paris puis de l’Essonne. Et suite à un conseil très sage je me suis accrochée à mes études et c’est en grande partie grâce à l’école républicaine que je suis devant vous aujourd’hui. J’ai passé les trente dernières années de ma vie en entreprise et, last but not least, je suis maman de deux filles.
Mon parcours ne me prédestinait certainement pas à recevoir un appel du Premier ministre un soir, au cœur du mois de juillet 2020, à Johannesburg. Je me sens très honorée de servir le pays que mes parents ont choisi et qui m’a tant donné. Et je suis reconnaissante à Jean Castex de m’avoir confié l’un des plus beaux ministères de ce Gouvernement, celui de l’égalité.
Nous faisons cette interview alors que débute le Mois des Mémoires, qui chaque année invite l’ensemble des Françaises et des Français à se souvenir de la place que tient l’esclavage dans notre histoire, à rendre hommage à ses victimes et à célébrer les combats menés pour le supprimer. Pourquoi pensez-vous qu’il est important de parler de cette histoire ? A quoi une politique mémorielle peut-elle être utile aujourd’hui ?
Le devoir de mémoire est essentiel dans la vie d’une nation. Il nous permet de lutter contre l’amnésie voire l’hystérie que l’immédiateté de notre société contemporaine a tendance à engendrer. Il sert aussi à raviver la mémoire des morts et des rescapés pour les passages tragiques de notre histoire ainsi qu’à traduire leur héritage et leur offrir une place dans notre présent.
Au surplus, je considère que le devoir de mémoire n’a pas vocation à suturer les plaies d’hier pour les esprits d’aujourd’hui, mais plutôt à rappeler l’histoire, pour éviter que ses pages sombres ne se répètent. Autrement dit, une politique mémorielle est un devoir commun contre la tentation de l’oubli qui dilue parfois les souffrances. Notre XXIème siècle n’échappe malheureusement pas aux discours et aux actes de haine. L’actualité nous le rappelle sans cesse, en France comme aux quatre coins de la planète et c’est la raison pour laquelle je crois en l’importance des actions mémorielles.
Et je considère qu’il est par conséquent extrêmement important d’évoquer l’histoire de l’esclavage, en particulier pour les jeunes générations de notre pays. Parce que comme l’a si bien écrit l’historien Bogumil Jewsiewicki, « le refus de savoir est un refus de reconnaissance ».
Cette année 2021 est marquée par le 20ème anniversaire du vote de la loi dite Taubira portant reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crimes contre l’humanité. Son article 2 insiste sur l’enseignement de cette page de notre histoire dans les écoles, et sur le travail des chercheurs. Vous personnellement, avez-vous appris l’histoire de l’esclavage en France lorsque vous étiez élève ? En avez-vous entendu parler depuis ? A votre avis quel doit être le rôle de l’école sur cette question ?
J’ai appris l’histoire de l’esclavage étant écolière effectivement. Et je m’y suis toujours intéressée une fois adulte, à travers des lectures et la visite de musées ou de lieux de commémoration.
Parce qu’elle est un creuset de notre communauté nationale et un vecteur du « récit français », l’école joue un rôle fondamental. Elle façonne les esprits des écoliers et leur apprend à avoir un esprit critique pour en faire des citoyennes et des citoyens responsables. La transmission de l’histoire est donc extrêmement importante parce qu’elle touche parfois à ce que nous avons en nous de plus sensible, notre identité. Et c’est pourquoi nous devons poser un regard lucide sur notre passé ; si riche et complexe, avec ses heures glorieuses et ses pages sombres. Car, comme l’écrivit Alexis de Tocqueville, « dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau ».
Cette nécessité de transmission prend une dimension redoublée dans notre époque troublée en ce qui concerne les sujets relatifs à l’esclavage ou la colonisation. Aujourd’hui, nombre de nos jeunes concitoyens, d’Outre-mer ou d’Hexagone, ont des racines qui plongent dans cette histoire douloureuse. En gardant la lucidité du présent, nous devons absolument enseigner ce passé, avec ses meurtrissures et ses plaies qui sont parfois encore à vif.
L’histoire de l’esclavage est inscrite dans des lieux et des monuments, en Europe, en Afrique, en Amérique, dans les Caraïbes et l’Océan Indien. Avez-vous déjà visité certains de ces lieux ? Quels souvenirs en gardez-vous ? Un monument doit prochainement être construit au Jardin des Tuileries pour rendre hommage aux victimes de l’esclavage. Que signifie pour vous ce geste de la République ?
J’ai visité le mémorial de l’abolition de l’esclavage à Nantes, la Savane des esclaves aux Trois ilets en Martinique, ainsi que le musée de Villèle à la Réunion et Cidade Velha au Cap-Vert. A chaque fois, j’en ressortais avec un double sentiment profond de tristesse mais aussi de détermination. La tristesse de constater combien des êtres humains peuvent déshumaniser d’autres êtres humains au point de les tuer socialement, d’en faire des objets de commerce et de les condamner à la servitude. Et la détermination à faire tout ce qui est en mon pouvoir pour que cela ne se reproduise jamais.
C’est pourquoi je considère qu’un monument dédié à la Mémoire est une bonne initiative. Parce que nous l’observons ces dernières années avec acuité en France comme dans d’autres pays occidentaux : le passé peut constituer un facteur de discorde. L’écriture de notre histoire dans sa globalité peut nous aider à retrouver le chemin de la concorde en nous rassemblant autour d’un récit commun. Ce narratif commun doit toujours chercher à nous rassembler plutôt qu’à nous diviser.
Certaines figures importantes de notre histoire demeurent trop peu connues et trop peu reconnues. Je pense par exemple à Joséphine Baker, à Toussaint Louverture, à Félix Éboué, à Aimé Césaire, aux sœurs Nardal, à Gaston Monnerville, à Manon Tardon, et bien d’autres.
Plutôt que de déboulonner, plutôt que d’effacer, nous devons au contraire enrichir nos musées, nos manuels scolaires, nos rues, et ainsi nos mémoires. En embrassant notre Histoire dans son entièreté, avec ses aspérités et ses parts d’ombre, c’est la République et, par effet domino, toute la société qui en ressortiront grandies.
Vous avez participé le 2 décembre dernier à la remise du prix de thèse de la FME, qui récompense un travail de doctorat remarquable sur la thématique de l’esclavage et de ses héritages. Qu’est-ce que les chercheurs peuvent apporter à la société lorsqu’ils travaillent sur ces questions dites « sensibles », comme l’esclavage et la colonisation ?
L’histoire est, je le crois, une passion française. Et notre histoire en particulier est à la fois infiniment riche et complexe. Pour la lire, la comprendre et en faire les exégèses, nous avons besoin d’historiens, d’anthropologues, de philosophes, d’ethnologues.
Les racines de l’histoire de notre « France plurielle » plongent aussi dans l’histoire de l’esclavage et de la colonisation. Et nous savons que chaque produit ses haines et ses atrocités, avec leur lot de bourreaux et de zélateurs. Ces pages sombres, nous ne devons ni les occulter ni les instrumentaliser. Nous devons les regarder en face, les expliquer, en débattre, et en faire la pédagogie auprès des jeunes générations en particulier.
Comme l’a affirmé le Président de la République au Panthéon, « on ne choisit pas une part de France, on choisit la France ». Et comme l’Histoire est un bloc, nous ne devons ni la morceler, ni la magnifier, ni la diaboliser.
Ce travail mémoriel ne peut se faire sans l’apport indispensable des chercheurs qui nous permet d’élargir son horizon et, par conséquent, d’élargir nos esprits. Parce que comme le disait Marc Bloch, « l’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé ».
Les chercheurs sont pour moi les artisans les artisans de ce qui fait le ciment de notre pays. Ils sont les sculpteurs de notre mémoire collective et tissent le fil de ce qui nous relie tous les uns aux autres ; notre passé commun. Ils sont ainsi des remparts contre la confiscation de l’histoire par des idéologies politiques. Car comme l’écrivit Édouard Glissant, « si nous voulons partager la beauté du monde, si nous voulons être solidaires de ses souffrances, nous devons apprendre à nous souvenir ensemble ».
Votre intitulé ministériel comporte un mot que vous êtes la première ministre de la République à porter, la « diversité ». Pouvez-vous nous dire comment vous entendez cette notion, comment vous l’intégrez dans votre action, et comment vous pensez qu’elle devrait être intégrée dans les politiques publiques d’une façon générale ?
Si l’égalité est au cœur de nos principes républicains, la diversité est l’ADN de notre pays ; depuis toujours. Je viens du monde de l’entreprise et j’ai vu la force et la richesse de la diversité pour réussir et performer. La diversité constitue aussi un atout compétitif ainsi qu’un levier d’attractivité pour les entreprises comme pour nos fonctions publiques. Car, comme le disait Romain Gary, « nous sommes tous des additionnés ».
La « diversité » n’a pas de définition juridique, c’est davantage une conception philosophique puisqu’elle recouvre autant les questions liées aux origines sociales ou ethniques, le genre, le handicap, le lieu de résidence, etc. En toile de fond, c’est l’enjeu du sentiment d’appartenance à un collectif qui se joue ; qu’il s’agisse de notre communauté nationale ou d’une organisation professionnelle.
La diversité ne doit être ni un slogan, ni un talisman. C’est bien plus que ça parce que le talent n’a ni genre, ni origine, ni couleur de peau et qu’il est le carburant de la performance.
Nous devons travailler à faire de notre « France plurielle » une République unie. Pour atteindre cet objectif, il nous faut déployer une myriade de politiques publiques et mener des actions concrètes et pragmatiques. Le plan « Talents du service public » porté par Amélie de Montchalin va dans cette direction, ainsi que l’agenda rural porté par Joël Giraud ou les mesures en faveur du handicap déployées par Sophie Cluzel.
Pour ma part, je compte lancer un Index de la diversité, l’objectif étant d’aider les organisations publiques ou privées à jauger leur niveau d’inclusion et de diversité au travers d’une enquête collaborateur, anonyme et volontaire. Les dirigeants et les DRH pourront utiliser cet outil pour adapter leurs méthodes de recrutement et de management de leurs équipes.
Vous exercez la tutelle de la DILCRAH. Or le racisme contre les personnes noires est l’une des empreintes majeures que l’esclavage colonial a laissées, et l’actualité récente, en France et dans le monde, a montré que cet imaginaire raciste continue de peser sur nos sociétés. La CNCDH a d’ailleurs consacré un focus spécifique au racisme anti-noirs dans son rapport annuel de 2020. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur la réalité du racisme contre les personnes noires en France ?
Ce racisme à l’encontre des personnes noires est malheureusement une réalité. Il découle aussi de notre histoire, de l’esclavage, de la colonisation et de la déshumanisation des personnes noires. Une réalité dont nous devons tous prendre conscience et face à laquelle nous devons collectivement nous dresser et nous indigner avec détermination.
Vous savez l’humanisme veut aussi que nous évitions de hiérarchiser les discriminations car toutes les formes de haine des atteintes insupportables à la dignité humaine.
Il existe 25 critères de discriminations prohibés dans la loi, que vous soyez discriminé parce que vous êtes une femme, parce que vous êtes une personne en situation de handicap, parce que vous êtes seniors, parce que vous êtes asiatique, noir, maghrébin ou tsigane, vous êtes blessé et vous sentez humilié. C’est pourquoi nous devons combattre chacune de ces discriminations avec la même intensité. C’est je le crois l’idéal universaliste de notre République. Battons-nous à chaque instant pour faire vivre nos valeurs d’égalité et de fraternité.
Vous avez annoncé le lancement d’un nouveau plan pluriannuel de lutte contre le racisme et l’antisémitisme, qui prendra la suite du plan précédent qui s’est achevé l’année dernière. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Quelles sont vos intentions et vos priorités ? Comment prévoyez-vous d’élaborer ce plan ? Comptez-vous y associer la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage ?
Nous travaillons en effet à l’élaboration du futur plan de lutte contre le racisme. C’est, pour moi, une priorité particulièrement en cette période de triple crise sanitaire, économique et sociale où les inégalités s’accroissent et les tensions sont exacerbées.
Nous souhaitons donner à ce futur plan une grande dimension qui doit s’inscrire dans un « continuum républicain. Par ailleurs, nous souhaitons aborder de nouveaux thèmes tels que le combat contre les théories complotistes ainsi que la haine en ligne, etc.
Pour élaborer ce plan important, nous allons nous inspirer du très bon rapport réalisé par les députés Caroline Abadie et Robin Reda, mais aussi sur le rapport mené sur les discriminations dans les Outre-mer par les députées Cécile Rilhac, Maud Petit et Josette Manin, ainsi que des résultats qui émaneront de notre consultation citoyenne sur les discriminations qui est actuellement en cours. Pour sa construction, la DILCRAH s’appuiera sur ses partenaires ainsi que sur les associations et les think tanks. Je serai attentive à toutes les idées intéressantes qui nous permettront de lutter collectivement contre ce fléau.
La lutte contre les discriminations est l’une de vos priorités, et vous avez récemment mis en place avec le Défenseur des Droits une plate-forme de déclaration des discriminations. Quelle analyse faites-vous aujourd’hui de la situation en France des discriminations que les personnes subissent en raison de leur origine, réelle ou supposée ? Avez-vous un premier bilan de l’activité de la plate-forme 3928, notamment sur cette question ?
Comme je vous le disais tout à l’heure, chaque discrimination est une blessure et une humiliation. Parce qu’elles assignent et parce qu’elles brisent des destins, ces discriminations constituent des injustices individuelles qui, par ricochet, portent atteinte à notre communauté nationale.
Ces discriminations, dont nous pouvons tous être un jour victimes, témoins ou acteurs conscients ou inconscients, ignorent les frontières géographiques, culturelles ou sociales et se manifestent – de manière visible ou insidieuse – dans toutes les sphères de notre société : dans l’emploi, dans l’accès au logement, aux soins, au service public ou au financement bancaire, etc. Et ces discriminations s’opèrent en raison du handicap, de l’origine, du genre, de l’orientation sexuelle, de l’âge ou encore de l’identité de genre ou des croyances.
Selon le Défenseur des droits, la discrimination fondée sur l’origine, vraie ou supposée, et la nationalité représentait 21,4% des saisines l’an passé. Plus de 80% des personnes déclarant avoir subi des discriminations lors de la recherche d’un logement invoquent leur origine ou leur couleur de peau comme motif. Et l’origine ou la couleur de peau constituent le premier critère des discriminations dans l’emploi. Nous sommes donc confrontés à une véritable réalité, face à laquelle nous ne pouvions demeurer silencieux.
C’est dans ce contexte, que nous avons lancé la plateforme de lutte contre les discriminations que nous avons confiée au Défenseur des droits. Le Président de la République s’y était engagé suite à l’affaire Michel Zecler en décembre 2020. Depuis son lancement, 4 500 appels et 1 500 tchats ont été passés via le 39 28, soit une moyenne de 150 appels par jour. Le critère de l’origine vraie ou supposée est en tête des critères invoqués tandis que l’emploi se hisse au premier rang des domaines où se manifestent les discriminations, devant le logement. Cette plateforme est accessible sur tout le territoire national, aussi bien dans l’Hexagone que dans les Outre-mer.
Quelles sont vos objectifs pour approfondir la politique actuelle de lutte contre les discriminations ? Partagez-vous l’analyse du Défenseur des Droits qui dans son rapport de 2020 recommandait de faire de la lutte contre ces discriminations une politique nationale et non plus une branche de la politique de la ville ?
Les politiques de lutte contre les discriminations concernent tout le territoire, les zones urbaines, rurales, dans l’Hexagone comme dans les territoires ultra-marins. Notre pays dispose déjà d’un arsenal juridique solide ainsi que d’une délégation interministérielle dédiée (la DILCRAH) qui agit également aux côtés du Défenseur des droits.
Nous sommes donc déjà bien outillés sur ces questions. Néanmoins, pour aller plus loin et pour répondre aux fortes attentes de nos concitoyens face à l’ampleur de cet enjeu, nous avons lancé une plateforme de lutte contre les discriminations ainsi qu’une consultation citoyenne afin d’évaluer les dispositifs existants et de trouver de nouvelles solutions innovantes. Cette consultation inédite est l’occasion d’échanger, de partager et de contribuer concrètement à ce débat. A ces outils pour réprimer toutes les formes de discrimination s’additionne l’enjeu de la promotion de la diversité que j’ai évoqué tout à l’heure. Et je crois beaucoup au triptyque vertueux – politiques publiques associées aux collectivités locales, associations et entreprises – pour enrayer ce fléau. Il s’agit d’une priorité du Président de la République que je suis chargée de mettre en œuvre avec l’ensemble de mes collègues du Gouvernement.
Comme la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre l’homophobie dont vous êtes également chargée, la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations sont aussi des politiques interministérielles. Comment travaillez-vous avec vos collègues du gouvernement et comment participent-ils eux aussi à leur mise en œuvre ?
Qu’il s’agisse de la lutte contre les violences faites aux femmes, contre les discriminations largo sensu ou, plus précisément, de la lutte contre les LGBTphobies, je travaille en étroite synergie avec mes collègues du Gouvernement. Le Grenelle des violences conjugales a mobilisé quinze ministres autour du Premier ministre le 3 septembre 2019. La consultation citoyenne sur les discriminations que nous avons lancée a mobilisée onze ministères. Sur ces enjeux qui touchent au quotidien de nos concitoyens, nous travaillons de manière collective.
Si l’égalité entre les femmes et les hommes est la Grande cause du quinquennat, l’égalité des chances est le fil rouge du quinquennat et ce travail concerne tous les domaines de la société et, par conséquent, tous les ministères.
L’histoire de l’esclavage nous rappelle que la France n’est pas un Hexagone mais qu’elle est mondiale, grâce notamment à ses outre-mer. Comment voyez-vous la situation de ces territoires et des personnes qui en sont issues au regard du racisme et des discriminations ? Elles qui revendiquent d’être des Françaises et des Français à part entière ont souvent le sentiment d’être au contraire des citoyennes et des citoyens entièrement à part. Comment faire pour faire reculer ce sentiment ?
Nos compatriotes d’Outre-mer sont des Françaises et des Français à part entière. Nous devons nous assurer qu’il n’y ait aucun débat à ce sujet. La France est une et indivisible et notre Gouvernement se bat, partout, pour lutter contre le racisme et toutes les discriminations. Il ne devrait pas y avoir d’égalité à géométrie variable. Avec Sébastien Lecornu, nous sommes résolument déterminés face à cet enjeu et nous veillons à ce que nos politiques publiques prennent en considération les spécificités des territoires ultra-marins, dans tous leurs aspects. Par ailleurs, avec son ministère et avec la DILCRAH, nous mettons en avant des talents, nous soutenons des associations, etc.
Dans ma vie passée de cheffe d’entreprise, j’ai eu la chance de me rendre fréquemment dans nos territoires ultramarins ; d’en appréhender les histoires plurielles et les spécificités. Les apports des Outre-mer, qu’ils soient par exemple dans les domaines culturel ou économique, sont extrêmement importants et nous enrichissent. Et je le répète : la diversité est une force.
Avez-vous un dernier message à passer aux lecteurs et aux abonnés de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage à l’occasion de ce Mois des Mémoires 2021 ?
Je paraphraserais Winston Churchill : « un peuple qui oublie son passé n’a pas d’avenir ». Alors j’encourage tous vos lecteurs à cultiver notre mémoire car c’est ainsi que notre nation se grandira et se soudera.