Petit éloge de notre créolité
Les co-présidents de « Tous Créoles ! », Gérard DORWLING-CARTER et Roger de JAHAM, ont co-signé ce document qui reflète l’évolution du sens du mot « créole ».
Aujourd’hui que nous comptons dans nos rangs des adhérents guadeloupéens, martiniquais, réunionnais, métropolitains, africains et guyanais -pour ne citer que ceux-là- comment ne pas être rassurés sur le choix du nom de notre association ?
Car s’il est vrai que différents dictionnaires renommés donnent encore au terme « créole » la définition de « personnes de race blanche nées dans les Antilles intertropicales », il n’en est pas moins vrai que ce mot a connu –et continue de connaître- un glissement sémantique considérable. En effet, il y a longtemps que « cuisine créole », « maison créole » ou « littérature créole » ne désignent plus la cuisine, l’habitation ou les écrits de « personnes de race blanche nées dans les Antilles intertropicales ».
De fait, la créolité rompt avec une structuration identitaire figée ; c’est un processus constant, à partir duquel se fondent toute son originalité et la force de sa modernité. Car chercher à figer nos identités serait une entreprise illusoire, tout autant que prendre notre pays pour en faire un enclos, à l’heure où le monde devient un village trans et inter connecté. La créolité est une novation qui préfigure certainement l’individu de demain. C’est là, pour notre époque, un avantage certain. Reste à purger notre société des démons qui l’accompagnent depuis sa naissance, depuis le chaudron fondateur de l’esclavage. Voilà pourquoi, nous semble-t-il, notre société est encore bloquée et paraît incompréhensible, parfois même à ceux qui y sont nés.
Dans leur ouvrage « Éloge de la créolité », les auteurs Jean BERNABÉ, Patrick CHAMOISEAU et Raphaël CONFIANT y définissent la créolité comme étant «L’agrégat, interactionnel ou transactionnel, des éléments culturels caraïbes, européens, africains, asiatiques et levantins, que le joug de l’Histoire a réunis sur le même sol. »
De son côté, le sociologue Gerry L’ÉTANG précise à ce propos : « Cette définition englobe près de quatre siècles de créolité. Mais la créolisation étant une dynamique, et le produit de toute dynamique étant par nature instable, la créolité varie au fil de l’histoire. Par souci d’intégrer cette dynamique et cette variation, nous définirons la créolité comme le résultat du processus de créolisation. »
Enfin, selon l’écrivain Patrick CHAMOISEAU, « Maîtres et esclaves, békés et ouvriers se côtoient dans l’espace de l’habitation, se créolisant ainsi. »
Et il est bien évident qu’à la Martinique, tout comme à la Guadeloupe, en Guyane, à l’île Maurice ou à la Réunion, ou encore à Sainte-Lucie ou à Barbade, mais encore dans bien d’autres endroits de la planète, l’agrégat rappelé ci-dessus, composé principalement des éléments culturels européens et africains réunis sur le même sol, a produit partout les Créoles que nous sommes.
On peut être créole de naissance ou de cœur, créole de culture, créole d’adoption, on est en tout cas le fruit d’une histoire qui n’est pas plus gaie, pas plus amoureuse qu’ailleurs, mais on est le fruit d’une culture qui a été, par la grâce de la nature, une curieuse machine à rassembler les diversités, tout en laissant toute leur place aux nuances.
Patrick CHAMOISEAU fait remarquer que notre société de créoles américains est née « dans » la colonisation, elle est née « de » la colonisation, puisque ce qu’il y avait avant -les sociétés amérindiennes- a été démembré ; alors, CHAMOISEAU prétend que le colonisateur est dans notre langue, dans nos gênes, dans nos traditions, dans notre musique, dans notre imaginaire, ce qui nous fait relever d’une identité relationnelle inédite, à laquelle il est difficile de trouver comment résister. Au contraire, nous vous invitons à penser que là réside justement le ciment, la force de notre société, et que c’est précisément sur cette identité particulière que devra s’appuyer notre démarche de rapprochement et d’apaisement.
Les co-présidents, Gérard DORWLING-CARTER & Roger de JAHAM
29/06/2009
N.M.
Tous créoles a été crée pour rassembler des Créoles qui voudraient agir dans la sphère publique, sociétale … afin de ne pas laisser parler en leur nom, quelques aigris professionnels ou quelques autres qui sont plein de fantasmes, mais complètement ignorants de leur réalité.
Espérons que ce ne soit pas qu’un vœu pieux, parce que ce n’est pas gagné !
Bon courage et persévérance à cette association, je la lui souhaite vraiment.
N.M