Et la France ? Si Louis XIII a accordé l’autorisation de déporter des esclaves dans une colonie française (Martinique, Guadeloupe, Grenadines, Saint-Domingue, etc.) dès 1626, elle n’est devenue un acteur majeur du commerce triangulaire que trois décennies plus tard, lorsque, échaudés par la chute du prix du tabac, les colons se sont tournés vers la culture de la canne à sucre. Plus de 3 000 expéditions feront la fortune de quelques centaines de familles mais aussi de plusieurs ports, Nantes, Bordeaux ou La Rochelle. Entre 1676 et 1800, la France aurait déporté aux seules Antilles 1 million d’esclaves, régis par le Code noir, spécificité française, qui en fait des «meubles», transmis par héritage.Malgré l’embarras de quelques Encyclopédistes des Lumières, ce n’est qu’avec la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 que l’esclavage sera formellement aboli. Bonaparte le rétablira et ses généraux réprimeront durement les révoltes croissantes des Noirs et des mulâtres. Le motif de cette répression sans pitié ? Avant tout économique, le coût de l’abolition étant jugé inacceptable par les planteurs. Il faudra attendre le 27 avril 1848 pour que le gouvernement provisoire de la IIe République, issu de la révolution de février 1848 et inspiré par Victor Schœl-cher, promulgue le décret mettant un terme définitif à l’esclavage et à la traite.
Selon Olivier Pétré-Grenouilleau, les Européens auront, au total, déporté entre 11 et 13 millions de personnes, chiffres légèrement inférieurs aux 17 millions environ de personnes déportées par les empires arabes qui ont alimenté pendant des siècles les marchés aux esclaves de toute la Méditerranée et de leurs possessions en Europe. Des centaines de milliers de chrétiens capturés dans le sud de l’Europe ont aussi été réduits en esclavage dans les villes d’Alger, Tripoli ou Tunis entre le XVe et le XIXe siècle.Tout comme des milliers d’esclaves noirs étaient aussi présents dans de nombreuses contrées de la Chine du Sud sous la dynastie des Song (960-1279). Et il ne faut pas oublier la traite organisée à l’intérieur même du continent noir et depuis des temps immémoriaux. Asservis de naissance, prisonniers des guerres tribales, enfants abandonnés, criminels, étaient vendus entre peuples ou aux Européens et aux Arabes. Malgré l’engagement des gouvernements concernés de l’éradiquer, l’esclavage a encore cours aujourd’hui dans plusieurs pays de la bande sahélienne, voire dans certains Etats d’Afrique centrale.L’esclavage fut un crime universel qui a marqué l’histoire de l’humanité depuis les origines et il y a, sur presque tous les continents, matière à édifier les consciences. Quoi qu’en disent certaines associations, la France est un des tout premiers pays à s’y être employés.* Présence africaine, 2000.
** Article publié dans le numéro 813 du magazine Marianne paru le 17 novembre 2012