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L’école face au défi des savoirs fondamentaux

Chaque semaine, dans le cadre de l’émission « A contretemps » de Zitata animée par Gérard Dorwling-Carter, les chroniqueurs traitent librement de différents sujets d’actualité. Voici la version « écrite » de l’une des rubriques du vendredi 18 octobre :

Voilà un enjeu crucial pour notre société : l’école est-elle capable de transmettre les savoirs fondamentaux à tous les élèves ? Si l’école de la République a réussi son pari de massification, elle a en revanche échoué sur le terrain de la démocratisation, et ce constat est alarmant.

Une massification sans démocratisation : le double constat

En 1985, Jean-Pierre Chevènement avait fixé un objectif ambitieux : mener 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat. Un objectif atteint sur le plan statistique. Mais derrière ce succès apparent se cache une réalité bien plus nuancée. L’ouverture de l’école à tous n’a pas été accompagnée des transformations nécessaires pour accueillir et éduquer des élèves de tous horizons sociaux, culturels et linguistiques. En conséquence, le système éducatif peine à remplir sa mission première : garantir à chaque élève l’acquisition des savoirs fondamentaux, à savoir la lecture, l’écriture et le calcul.

Une école qui n’a pas su s’adapter

L’une des principales carences du système éducatif français réside dans son incapacité à s’adapter à l’hétérogénéité croissante des élèves. L’école d’aujourd’hui, structurée pour des élèves favorisés et préalablement triés, se heurte à des publics aux origines sociales et culturelles variées. L’arrivée massive d’enfants issus de milieux défavorisés ou de cultures différentes aurait dû inciter à une refonte des méthodes pédagogiques. Pourtant, les ajustements sont restés marginaux.

Cela a eu pour conséquence que certains élèves n’ont jamais acquis une maîtrise solide du langage, faute de repères clairs et d’accompagnement. On estime aujourd’hui que plus de 15 % des élèves entrent au collège en grande difficulté de lecture, et pour beaucoup, cette situation ne s’améliore pas. Au contraire, ces élèves s’enfoncent dans un « couloir de l’illettrisme » duquel il est presque impossible de sortir.

Un échec du primaire au collège

Les élèves en difficulté à la sortie de l’école primaire sont souvent laissés à eux-mêmes une fois arrivés au collège, où la rupture pédagogique est brutale. Ce morcellement disciplinaire, avec des matières enseignées par différents professeurs, désoriente les plus vulnérables. Si l’école primaire les maintient « en vie », le collège, lui, les achève, comme l’illustre la persistante proportion d’élèves en grande difficulté qui échoue à la fin du cycle secondaire.

Là où l’échec devient encore plus flagrant, c’est dans l’orientation des élèves. Beaucoup sont dirigés vers des filières professionnelles, non pas par choix, mais par défaut, car on leur fait croire qu’ils ne sont « bons qu’à cela ». En résulte une cascade d’échecs : échec scolaire, échec professionnel, échec civique, contribuant à renforcer les inégalités sociales au lieu de les réduire.

Quels axes de progrès ?

Pour remédier à cette situation, il faut agir sur plusieurs fronts. Premièrement, la formation des enseignants doit être repensée. Ils doivent être mieux outillés pour faire face à l’hétérogénéité des élèves et intégrer des pédagogies plus inclusives, adaptables à des niveaux variés.

Deuxièmement, l’approche pédagogique doit évoluer pour renforcer la transmission des savoirs fondamentaux dès le plus jeune âge. Il ne s’agit pas de baisser les exigences, mais au contraire d’élever le niveau en étant plus exigeants et plus bienveillants. La maîtrise de la langue doit redevenir une priorité, car c’est par le langage que l’on accède à toutes les autres formes de savoir.

Il est nécessaire de rétablir une véritable équité dans le système scolaire. L’OCDE a montré que l’origine sociale pèse plus lourd en France qu’ailleurs dans la réussite scolaire. Un accompagnement renforcé pour les élèves en difficulté, dès la maternelle, ainsi que des solutions adaptées à chaque situation doivent être envisagées pour ne pas condamner des milliers d’enfants à l’échec dès leur plus jeune âge.

Enfin, l’école doit s’adapter au monde qui s’ouvre aux nouvelles technologies ; Avec l’automatisation croissante de nombreux métiers, l’école doit préparer les élèves à un marché du travail en mutation rapide. Elle doit également réinventer sa pédagogie avec notamment les technologies immersives, réinventer le rôle de l’enseignant (enseignant-médiateur ?) là où les savoirs sont accessibles en ligne, et repenser les espaces d’apprentissage.

En conclusion, l’école de la République doit se réinventer si elle veut relever le défi de la démocratisation des savoirs. L’objectif n’est pas seulement de conduire le plus grand nombre au bac, mais de s’assurer que tous les élèves, quelle que soit leur origine, sortent du système éducatif armés des outils intellectuels et linguistiques nécessaires pour se construire un avenir. Le chantier est immense, mais il est crucial pour l’avenir de notre société.

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