Le sens de la vie : une existence discrète peut-elle être remplie de sens et de beauté ?
Chaque semaine, dans le cadre de l’émission « A contretemps » de Zitata animée par Gérard Dorwling-Carter, les chroniqueurs traitent librement de différents sujets d’actualité. Voici la version « écrite » de l’une des rubriques du vendredi 6 septembre :
Dans son œuvre littéraire Russe, Le Manteau, Nicolas Gogol nous raconte l’histoire d’Akaki Akakievitch, un fonctionnaire de Saint-Pétersbourg dont la vie, marquée par l’obscurité et l’indifférence, ne laisse aucune trace visible après sa disparition. Ce récit nous pousse à nous interroger : une vie ordinaire, invisible aux yeux du monde, est-elle indigne d’intérêt ? À l’ère des réseaux sociaux, de la célébrité instantanée et de la quête incessante de performance, cette question résonne encore plus fortement.
Nous vivons dans une époque où l’on célèbre sans cesse les stars, les grands leaders et ceux qui réussissent, parfois aux dépens des anonymes. Comme l’a dit un jour un homme politique français, nous distinguons les « premiers de cordée » des autres, « ceux qui ne sont rien ». Mais cette distinction est-elle juste et pertinente ? Doit-on mesurer notre valeur à la lumière des autres, dans ce jeu constant de comparaison ?
La quête de performance, de toujours « plus », a ses travers. Elle génère stress, frustration, et un mal-être qui se propage dans nos sociétés modernes. Les statistiques le montrent : le recours aux antidépresseurs, l’augmentation des maladies chroniques comme le cancer ou le diabète sont autant de signaux d’alerte. Comme le souligne le chirurgien Bernie Siegel, ceux qui cherchent leur bonheur à l’extérieur, qui vivent sous le regard des autres, sont plus susceptibles de développer des maladies graves. Cela ne signifie pas que nous devons abandonner toute ambition, mais plutôt que nous devons réorienter notre quête de bonheur vers l’intérieur, vers ce qui donne un sens à notre propre existence.
Ce qui nous amène à une vérité scientifique étonnante : le bonheur, l’optimisme, et même le rire, sont des facteurs déterminants pour une vie longue et en bonne santé. Des études récentes, menées notamment à l’Université de Yale, démontrent que les personnes ayant une attitude positive face à la vie réduisent de manière significative les risques de maladies comme la démence, et augmentent leur espérance de vie. On apprend même que le rire, oui, le simple fait de rire souvent, peut augmenter notre durée de vie de 20 % !
Ainsi, la manière dont nous envisageons notre vie, et le plaisir que nous en tirons, sont au cœur de notre bien-être et de notre longévité. Pas besoin d’être une star ou de gravir les échelons de la société pour être heureux. Ce que nous devons apprendre, c’est à nous contenter de ce que nous avons. Et comme le dit si bien le navigateur Olivier de Kersauson, se contenter, c’est un savoir-vivre, un retour au bonheur simple, loin de l’avidité ou des attentes irréalistes. Cela n’a rien de péjoratif, bien au contraire.
“Se contenter”, c’est aussi se passer de tout ce que d’autres prétendent être indispensable. A-t-on vraiment besoin de Nutella et de champagne pour être heureux ? Faut-il absolument le iPhone dernier cri, ou la voiture la plus puissante ? Faut-il céder à la dictature des regards et des choix proposés, alors que qu’un manque cultivé de tous ces objets ne fait qu’accroître frustration, tristesse et malheur ?
Pour vivre heureux, affranchissons-nous des désirs que d’aucun désigne besoins. Affranchissons-nous aussi des temps inutiles, le passé qui n’existe plus, le futur qui n’existe pas encore, pour ne profiter que du moment présent, aussi intensément que possible. Et à chaque seconde, rappelons-nous le mantra essentiel : “Carpe Diem”.
Regardons autour de nous : chaque tâche accomplie avec soin, chaque instant vécu avec intensité, transforme notre quotidien en œuvre d’art. Comme chez Jean Giono, où l’artisan, pourtant dépendant d’un patron, transcende sa condition par l’amour du travail bien fait. C’est cela, être maître de sa vie : s’engager pleinement, même dans les actes les plus modestes, pour créer de la beauté et du sens. Par voie contraire, le “I bon Konsa” est un chemin de mal-être, car il est le signe d’un défaut d’engagement, d’un manque de “présence” à la tâche.
Ainsi, nous comprenons qu’il n’y a pas de vie insignifiante, qu’une existence simple peut être le théâtre d’une véritable œuvre d’art si elle est vécue pleinement, avec soin et conscience. Peu importe que personne n’écrive notre nécrologie. Ce qui compte, c’est l’intensité avec laquelle nous vivons, que ce soit dans le silence ou sous les projecteurs.
En vérité, nous sommes les capitaines de nos vies. Le bonheur et la santé sont à portée de main pour chacun d’entre nous, mais cela demande une attention constante à ce qui fait de chaque instant une source de satisfaction. Il n’est jamais trop tard pour apprendre à apprécier, à se réjouir de ce qui nous entoure et à illuminer notre vie de l’intérieur. Car le vrai sens de la vie n’est ni dans la reconnaissance extérieure, ni dans l’accumulation des possessions, mais dans l’intensité que nous mettons dans chaque instant.
En d’autres termes, et pour paraphraser un slogan célèbre, la vie est trop courte pour être triste.
Emmanuel de Reynal