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Edouard ANCET
Chers tous,
j’apprends avec plaisir, ce particulier plaisir de l’absent, la présente rencontre littéraire ou plutôt culturelle, autour de Joseph Jos, qu’accompagne son éminent ami et collègue Jean Bernabé.
Je me félicite de cette initiative de notre association « Tous Créoles » et ne doute point qu’elle sera réussie et prospère parce qu’elle répond, primordialement en ces temps incertains, à une haute, neuve et exigeante affirmation, celle de l’Esprit, j’entends, l’Esprit d’ouverture et de concorde.
Joseph Jos, que très familièrement, certains de notre génération de la précédente décennie 50 surnomment « Dodé », est un ami.
Un condisciple de l’initiale initiation confiée à l’unique et nouveau lycée Schoelcher, symbole de cet enthousiaste souffle républicain émanant du Front Populaire de 1936.
Dominant fièrement de sa corniche la ville plate et sa mer étale, visible du plus loin de l’horizon, sa mission est de s’ouvrir et d’ouvrir au monde ses promotions d’élèves aspirant tous à l’émancipation par l’Instruction.
Joseph Jos, par sa famille et sa fratrie, est de ceux-là.
Son baccalauréat de lettres classiques brillamment conquis en 55 ou 56, de cette source première au grand océan d’aujourd’hui retrouvé, c’est dans sa plénitude le cours d’une prestigieuse et distinguée carrière encore active, renouvelant au fil du temps, le message de grands prédécesseurs en faveur du Métissage des Cultures, plus que jamais fécond à l’heure de la Créolisation et du Tout Monde.
Créole, créolité, créolisation, n’est-ce pas un humanisme dans la mondialisation en marche?
Et c’est bien ce qu’illustre, si proche de nous, l’heureuse diversalité de son abondante et foisonnante production littéraire qui vient de s’enrichir de ces 2 nouvelles que le professeur Jean Bernabé saura vous faire découvrir avec élégance et plaisir.
Ce plaisir bien de chez nous que vous éprouverez aussi en compagnie de Joseph Jos, authentiquement créole dans l’esthétique de sa langue et la virtuosité de son langage. »
Bonne soirée
Edouard ANCET
Jean BERNABE
Mon cher Daudet,
Malgré mon extrême surbouquage actuel (lequel ne m’a pas permis d’être présent à la manifestation du 8 mars), j’ai lu Seule…avec l’amère sueur de l’orpheline.
On entre rapidement dans la dynamique de la nouvelle. Habitué à un imaginaire qui fait de l’Antillais un rapace, on ne croit pas de prime abord aux vertus d’un preux chevalier venu au secours de cette jeune femme. Mais précisément, la nouvelle construit un univers qui, déconstruisant l’univers masculin, nous met en présence d’une double tragédie et nous y laisse plongé jusqu’à la fin.
Cette nouvelle comporte bien sûr des réminiscences personnelles de l’auteur, notamment dans l’évocation des
personnages marginaux, lesquels appartiennent au monde et aux lieux de l’éducation (lycée Carnot). Mais, au-delà, il y a une dimension anthropo-littéraire en rapport avec, cette fois, non pas l’Afrique, mais l’Inde.
Le lecteur s’agrippe constamment aux filets soit d’un fantastique qui se veut une version du réel, soit d’un réel qui abrite du fantastique. Le récit, en raison de ses ruptures liées à l’espace, au temps, aux déplacements, aux méditations philosophiques, est rempli de pièges et de chausse-trappes qui lui confèrent son alacrité. Le titre, par sa longueur et la configuration de ses mots donne à réfléchir, dans une optique psychanalytique : le couple Seule/sueur, qui, avec des modifications consonantiques, appelle le mot « sœur ». « Amère » (absence de mère, grâce au « a » privatif (ô latino-helléniste !) qui confirme un attachement hyperbolique au père ! L’orpheline ne
serait-elle pas une « Orphée » (féminin, comme le suggère le suffixe « ine »), un Orphée descendant aux Enfers et, comme lui, ne parvenant pas à ramener à la lumière l’objet de sa quête ?
Pourquoi cette assimilation fantasmatique de son père à une Eurydice, ce que la lettre elle-même de la fiction ne donne pas à penser ? Les tréfonds psychanalytiques de ta
nouvelle révèlent un événement occulté, mais que l’analyste que je suis peut identifier à une relation incestueuse, même si cette dernière est inconsciente
et n’a donné lieu à aucun acte sexuel caractérisé, ce que je crois être le cas.
On ne peut pas ne pas s’étonner de l’absence de la mère. Le vocabulaire, par sa structure, implique l’idée d’un drame familial non-dit et que le critique littéraire ne peut pas exclure de sa scrutation des abysses de la fiction. Ce
qui fait la force d’un roman, ce n’est pas le dit, mais le non-dit.
Après ce petit mot rapide, je regrette que mon agenda de plus en plus compliqué et chargé ne me permette pas de donner une réponse sûre quant à ma participation à cette lecture publique de ton roman. Peut-être pourrais-tu communiquer à tes invités ma brève lecture de cette nouvelle. Pour le moment, je ne me suis pas lancé dans la lecture de la deuxième nouvelle, coincé que je suis par de nombreux autres impératifs de lecture (thèses et autres)
Bien à toi,
Jean Bernabé