Le discours de Bernard Hayot à l’occasion de l’exposition béninoise Révélation !
Monsieur le Président de la République du Bénin, Monsieur le Préfet, Monsieur le Ministre du tourisme, de la culture et des arts, Mesdames et Messieurs,
Aujourd’hui est un grand jour. Je ressens comme un grand honneur pour la Martinique et pour la Fondation Clément la présence ici ce soir de son Excellence Monsieur le Président Patrice Talon.
Permettez-moi Mesdames et Messieurs de vous raconter le concours de circonstances qui nous a amenés à être tous ici ce soir autour du Président Talon pour l’inauguration de cette exposition exceptionnelle que vous allez bientôt découvrir.
En novembre de l’année dernière, je reçois un appel de Jean-Paul Jouanelle, dont je salue la présence, et qui est de retour de Cotonou. Il me dit avoir découvert là-bas une exposition d’art contemporain d’artistes du Bénin qu’il qualifie de tout simplement exceptionnelle. Et il ajoute que ce serait formidable si cette exposition pouvait être présentée à la Martinique. Ce message retient immédiatement mon attention.
Nous le savons tous ici, le Bénin et la Martinique par leur histoire sont des pays qui ont beaucoup en commun. Ils ont des liens indélébiles tissés dans la souffrance.
Sans tarder, je me rends sur place en compagnie de mon épouse pour découvrir un pays passionnant et recevoir un accueil des plus chaleureux. Je suis emballé par les œuvres d’art que nous découvrons et sans hésitation, je propose aux autorités béninoises d’organiser à la Fondation Clément une grande exposition de ces œuvres d’exception.
Trois jours après mon retour du Bénin, je reçois un appel du cabinet du Président Talon qui me propose de le rencontrer à Paris où il est de passage. Au terme d’un échange au cours duquel nous tombons d’accord sur tout l’intérêt que représente l’organisation de cette exposition en Martinique, à la Fondation Clément, le Président Talon, qui se montre très heureux de cette initiative, me dit « je viendrai personnellement à cette inauguration et c’est moi qui couperai le ruban ».
Dans les semaines qui suivent, différents contacts permettent au projet de prendre corps et une délégation béninoise composée de José Plya et de Yassine Lassissi, commissaire de l’exposition, se déplace à la Martinique pour prendre la mesure des lieux où se tiendrait cet évènement.
Voilà donc l’opération sur les rails et, en fonction de l’agenda du président de la République, la date du 14 décembre est arrêtée.
Inutile de vous dire, Mesdames et Messieurs, le plaisir et l’honneur que j’éprouve ce soir à procéder au côté du Président Patrice Talon à l’inauguration de cette exposition qui, par sa beauté et sa densité, fera date à la Martinique.
Mesdames et Messieurs, c’est aussi pour moi ce soir, l’occasion de rappeler que la Fondation Clément, en créant un tel évènement est dans son rôle de lieu de rencontre, d’échange et de rassemblement de cultures et de sensibilités différentes mais aussi complémentaires. La vocation de ce lieu commence avec ce geste hautement symbolique qui est celui de la plantation du Courbaril par Aimé Césaire en présence de Camille Darsières. Ce jour-là, un jour riche en émotion et en symboles, un jour d’immense fierté pour moi et ceux qui m’entourent, Aimé Césaire me regarde de ses yeux pétillants et me dit « je plante ici l’arbre de la fraternité » avant de lire lentement ce magnifique texte qui est gravé au pied du Courbaril.
Depuis cette date nous nous appliquons à la Fondation Clément à organiser des évènements qui vont au-delà de la seule mise en valeur de tel ou tel talent artistique.
Dès 2013, nous accueillons l’exposition « Césaire Lam Picasso, nous nous sommes trouvés » en partenariat avec la Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais. Le jour de l’inauguration des nouveaux espaces de la Fondation en 2016, c’est l’immense artiste haïtien Hervé Télémaque qui vient, en personne, honorer de sa présence une exceptionnelle exposition conçue par le Centre Pompidou. En 2018, l’exposition « Afriques, artistes d’hier et d’aujourd’hui » en collaboration avec la Fondation Dapper nous a permis de présenter au public martiniquais les trésors anciens et un ensemble d’œuvres d’artistes africains contemporains. En 2019, nous avons accueilli ce grand artiste camerounais qu’est Pascale Marthine Tayou.
Plus récemment, la Fondation Clément honorait Gaston Monnerville un grand personnage de la République, illustre guyanais d’origine martiniquaise, un des chantres de la départementalisation. Et le mois dernier, ici même, Marc Césaire et Colette Césaire présentaient une exposition intitulée « Césaire, un homme de ruptures » qui rappelait l’œuvre politique et littéraire de cette figure martiniquaise fondamentale.
Voici quelques-unes des 137 expositions produites par la Fondation Clément depuis ces deux dernières décennies. Plus de 200 artistes, majoritairement caribéens ont trouvé dans ces murs un lieu où rencontrer le public de 200.000 visiteurs que l’Habitation Clément accueille chaque année.
A la Fondation Clément, nous avons le sentiment profond de faire œuvre utile en mettant à la disposition des artistes martiniquais, guadeloupéen, guyanais mais aussi de l’ensemble de la Caraïbe, un lieu capable de présenter dans les meilleures conditions les plus belles œuvres de notre monde caribéen. Cette richesse artistique se retrouve dans une collection qui compte plusieurs centaines d’œuvres que la Fondation Clément expose régulièrement.
C’est dans cet esprit d’ouverture et de liberté d’expression, dont l’art est un formidable vecteur, et grâce à ce partenariat étroit avec l’Agence de développement des arts et de la culture du Bénin que nous sommes en mesure de présenter cette superbe exposition d’art contemporain.
Mesdames et Messieurs,
L’histoire on ne peut plus sombre qui lie de façon indélébile la Martinique au Bénin m’incite ici ce soir en présence du président Talon à lancer un appel à la fraternité. Le message d’Aimé Césaire symbolisé par le Courbaril m’autorise je le crois à dire que ce pays de Martinique qui est le nôtre à tous a besoin de plus de tolérance, de plus de fraternité. Profondément attaché à mon pays, j’ai toujours souffert de ces clivages, de cette méfiance qui séparent et souvent divisent les Martiniquais. Croyez bien que je suis on ne peut plus conscient de cette période douloureuse de notre histoire. Dans cette société insulaire, malmenée par l’histoire, je pense depuis longtemps que nous devons être en permanence à la recherche de messages de rassemblement, de gestes porteurs de symboles. C’est dans cette quête de gestes symboliques que j’ai souhaité voir cette exposition être mise à la disposition du public martiniquais.
Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs, pour conclure mon propos, permettez-moi de citer quelques extraits de ce grand message de fraternité qu’a été celui d’Aimé Césaire, le jour de la plantation du Courbaril, le 17 décembre, à peu de jours près, le même jour qu’aujourd’hui 14 décembre.
Je cite : « le courbaril, c’est-à-dire l’enracinement dans le roc s’il le faut, mais vainqueur.
Le courbaril, l’appui sur la profondeur du sol pour l’élan médité et patient.
Le courbaril, la démarche lente mais résolue vers l’avenir. »
C’était le 17 décembre 2001. Et Césaire ajoutait « ce qui est valable pour l’arbre est valable pour l’homme ».
Alors, aujourd’hui, 14 décembre 2023, en réponse au message de Césaire si fortement symbolisé par le courbaril, je crois qu’il est l’heure pour moi, à mon tour, de consolider l’enracinement de cet arbre emblématique.
Je demanderai à un artiste martiniquais de réaliser une œuvre d’art qui sera toute entière conçue en hommage à la mémoire de tous ceux qui ont vécu en esclavage et qui trouvera sa place, ici, à l’Habitation Clément.
Monsieur le Président de la République, Mesdames et Messieurs, je vous remercie de votre attention.
Bernard Hayot, le 14 décembre 2023