Comment gérez-vous votre culpabilité blanche (white guilt) ?
, Étudiant en Histoire
Je n’ai aucune raison de me sentir coupable d’être blanc, alors je n’ai pas à gérer cette « culpabilité » que je trouve ridicule et même dangereuse.
Tout d’abord, c’est quoi la culpabilité blanche
? Grosso modo, ce sont des Blancs qui se sentent aujourd’hui coupables des crimes perpétrés par d’autres Blancs dans le passé comme la traite négrière et la colonisation, au point qu’ils ont même honte d’être blancs.
(Moi et mon père à l’événement #sosorry aujourd’hui… Nous sommes tellement désolés à propos de ce que notre race maléfique a fait aux Noirs… Nous n’avons pas choisi d’être blancs et c’est quelque chose qui nous hante tous les jours.)
Je tiens aussi à dire que toutes ces controverses à propos de la couleur de peau commencent sérieusement à me fatiguer. Personnellement, je me fiche de la couleur de peau des gens : un être humain c’est un être humain, peu importe qu’il soit blanc, noir ou jaune.
La science a déjà démontré depuis longtemps que les races humaines n’existent pas. Les différences physiques entre humains, comme la couleur de peau, ne sont en réalité que des différences superficielles.
Mais quand je vois des personnes blanches qui s’humilient volontairement afin de demander pardon pour des crimes passés qu’ils n’ont jamais commis (comme ci-dessus), ou d’autres qui déclarent ouvertement avoir honte d’avoir une peau blanche (comme ci-dessous), je ne peux pas rester indifférent.
(« Ma peau blanche me dégoûte. Mon passeport me dégoûte. Ils sont la marque d’un privilège insupportable obtenu au prix de l’agonie d’autres. Si je pouvais m’écorcher entièrement, j’en serais heureuse. Si je pouvais devenir une opprimée, je serais libre. »)
C’est ridicule : depuis quand sommes-nous responsables des actes de nos ancêtres ? D’ailleurs, tous nos ancêtres n’y ont même pas participé. Par exemple, concernant la traite négrière, les populations européennes étaient à l’époque majoritairement composées de paysans qui n’avaient rien à voir avec cela.
Mais au-delà de ça, cette culpabilité blanche est même dangereuse car elle renvoie à certains l’idée que les Blancs sont naturellement « mauvais » par rapport aux autres groupes ethniques à cause de leur histoire « ignoble », ce qui peut finir par conduire à une forme de racisme anti-blanc.
La vérité c’est que les Blancs ne sont pas pires (ni meilleurs) que les autres. Certes, leur passé esclavagiste et impérialiste leur colle encore beaucoup à la peau. Mais sont-ils les seuls à avoir pratiqué l’esclavage et mené des guerres impérialistes ?
L’esclavage
Cela a existé de tout temps, au moins depuis l’Antiquité, et dans le monde entier. On parle beaucoup de la traite négrière transatlantique qui a duré du 16e au 19e siècle. C’est vrai qu’elle fut très importante et abominable.
Mais j’ai remarqué que quand on parle de la traite négrière et aussi de la colonisation, on fait trop souvent l’erreur d’adopter une visions binaire et manichéenne : les oppresseurs blancs d’un côté, et les opprimés noirs de l’autre. Alors que la réalité était bien plus complexe que cela.
Concernant la traite négrière transatlantique, il faut préciser que ce système n’aurait pas été possible sans la coopération active des chefs africains, qui fournissaient la plupart des esclaves aux marchands européens en leur vendant.
Mais l’Afrique a connu d’autres traites au moins, sinon encore plus importantes comme la traite arabo-musulmane. Et comme je l’ai dit, il y avait aussi de l’esclavage partout dans le reste du monde, que ce soit en Chine, en Asie du Sud-Est… Et il ne valait mieux pas être esclave chez les Aztèques par exemple.
(L’autre esclavage : un aperçu de la traite arabo-musulmane)
D’ailleurs même des Blancs ont été victimes de l’esclavage. Je pense par exemple aux corsaires barbaresques qui lançaient régulièrement des razzias sur les côtes européennes de la Méditerranée pour y piller les ports et y capturer des gens (hommes, femmes et enfants) pour les vendre comme esclaves dans les ports d’Afrique du Nord contrôlés par les Ottomans.
Jusqu’au 19e siècle, les populations littorales d’Italie, de Grèce, d’Espagne et du sud de la France vivaient dans la peur de ces corsaires.
(La traite oubliée des esclaves blancs en Afrique du Nord)
Colonisation
On dénonce souvent le colonialisme occidental. C’est vrai que cela a été une expérience traumatisante pour les peuples concernés, par bien des aspects : oppression, travaux forcés, massacres, etc. C’est incontestable. Mais là encore, ce système aurait été impossible sans une coopération autochtone active.
En effet, les Blancs étaient fort peu nombreux dans la plupart des colonies en Afrique et en Asie. Souvent, ils y représentaient moins de 0,5 % de la population totale, malgré des exceptions notables comme l’Algérie ou l’Afrique du Sud.
Pour contrôler ces vastes territoires avec si peu d’hommes, les colons ne pouvaient donc pas compter que sur eux-mêmes, ils devaient aussi s’assurer le soutien d’une part non-négligeable des populations colonisées, à commencer bien sûr par les chefs locaux dont ils veillaient sur les intérêts.
(Livre Les empires coloniaux, XIXe-XXe siècle de Pierre Singaravélou)
Impérialisme « non-blanc »
Les Blancs n’ont pas été les seuls à conquérir des territoires et opprimer les populations locales. Pratiquement tous les groupes ethniques ont fait cela, même les Noirs.
Par exemple, l’Empire du Mali, qui dominait l’Afrique de l’Ouest au 14e siècle, s’est étendu grâce aux conquêtes territoriales. Et une partie de ses richesses provenait d’ailleurs du trafic d’esclaves transsaharien.
Au 19e siècle, le Royaume zoulou s’est également bâti sur de violentes conquêtes militaires qui ont même poussé de nombreuses populations à fuir leur avancée, provoquant un vide démographique qui a plus tard favorisé l’implantation des colons européens en Afrique australe.
Les Noirs ont montré qu’ils étaient aussi capables de commettre des génocides. Le drame du Rwanda n’est que trop célèbre… jusqu’à un million de personnes assassinées en 1994 (pour la plupart pendant les premières semaines seulement), soit les 3/4 des Tutsis du pays.
Et je ne parle pas des crimes de guerre, voire crimes contre l’humanité bien plus récents perpétrés au Soudan par exemple, notamment au Darfour.
Chez les Jaunes, on peut citer les conquêtes de Gengis Khan qui ont tué jusqu’à 40 millions de personnes au 13e siècle, ce qui représentait 10 à 20 % de la population mondiale de l’époque.
Les Mongols ont rasé des villes entières, comme Bagdad en 1258 où ils ont massacré méthodiquement la population de 100 000 habitants. Parfois, ils laissaient volontairement échapper quelques survivants terrorisés pour qu’ils aillent semer la panique dans d’autres régions en y racontant les atrocités dont ils avaient été témoins.
Et je ne parle pas des atrocités commises par l’armée japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale, que les pays voisins du Japon comme la Chine ou les deux Corée ont d’ailleurs toujours aujourd’hui en travers de la gorge.
Parmi les autres atrocités, on peut aussi citer la folie meurtrière du régime khmer rouge qui a tué jusqu’à 2 millions de personnes au Cambodge, soit environ 1/4 de la population totale du pays dans les années 70, en seulement quatre ans.
, appelé aussi « Douch. L’ancien directeur de la prison politique S-21 sous le régime, où des milliers des dizaines de milliers de gens furent internés, torturés et exécutés. Après la chute du régime, Douch fut condamné pour crimes contre l’humanité.)
Enfin, si on veut aussi parler des « Rouges » (les Indiens d’Amérique), ils n’étaient pas non plus des tendres. Les fameux empires aztèque et inca se sont aussi construits sur la conquête, l’oppression et l’exploitation de peuples entiers. Et je ne parle pas des sacrifices humains massifs chez les Aztèques.
C’est ce qui a d’ailleurs amené ces peuples à s’allier plus tard aux conquistadors pour se défaire du joug aztèque ou inca.
Juste des humains
Tous les groupes ethniques ont donc pratiqué l’esclavage, la guerre et l’impérialisme. Ce n’est pas le monopole des Blancs, c’est juste la nature humaine : nous sommes une espèce violente. Et s’il y a bien deux choses à savoir sur la nature humaine, c’est qu’elle est universelle et complexe.
Malgré des différences culturelles parfois très fortes, les êtres humains ont les mêmes comportements fondamentaux, où que ce soit dans le monde et quelle que soit leur couleur de peau : nous sommes violents, cruels, égoïstes mais aussi compatissants, justes, bienveillants… capables du meilleur comme du pire.
Que l’on soit blanc, noir, jaune ou rouge, nous ne sommes ni des anges ni des démons, juste des humains