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"Droit de suite" : mi déba !

Nathalie JOS

Chaque jeudi sur Martinique-1ère, la journaliste Nathalie JOS revient sur un événement du passé au moyen d’un reportage ou d’extraits d’émissions. Un décryptage est ensuite proposé aux téléspectateurs grâce au concours de deux grands témoins ou experts.
Dans le cadre de cette émission télévisée hebdomadaire intitulée « Droit de suite », Nathalie JOS recevait Jeudi 15 novembre dernier Roger de JAHAM, co-président de notre association, et Daniel BOUKMAN (BLERALD dans le civil), créoliste.
Il s’en est suivi un débat vif et intéressant, quoique les débatteurs n’étaient pas toujours sur la même longueur d’onde !
Suivez ici l’intégralité de cette émission de 27 minutes, puis prenez connaissance de l’analyse de Joseph JOS, proviseur honoraire, ancien attaché culturel à l’ambassade de France au Panama.
http://martinique.la1ere.fr/emissions/droit-de-suite
http://pluzz.francetv.fr/videos/droit_de_suite_,72922198.html  
 
Joseph JOS

L’échange verbal qui a opposé Daniel Boukman, créoliste avéré à de Jaham, apôtre de « Tous créoles », relève moins d’un divorce que d’un malentendu, ce qui est pire. Venu porteur d’une pancarte contre l’épandage aérien, il ne vise que par la bande moins le de Jaham de « Tous créoles » que le descendant des colons « béké ». Et sous quelque angle qu’on l’envisage, ce malentendu reste une méprise.
Sous l’angle de la langue et de la culture créoles, Boukman est trop marqué de culture « classique » pour ignorer que tout le monde est le créole d’un natif-natal, d’un autochtone : le français, l’espagnol, le portugais, le roumain sont les « créoles » du latin des troupes de Jules César ; les langues anglo-saxonnes sont les créoles d’une matrice celte, etc… Le sensible auteur de « Chant pour hâter la mort du temps des Orphées » a poussé sa résilience jusqu’à endosser le
nom d’un esclave haïtien révolté et refuser de faire partie des troupes colonisatrices, lors de la Guerre d’Algérie.
Sous l’angle de l’histoire, le continent américain, en recevant les déshérités de l’Europe, puis les déracinés de l’Afrique, ne pouvait que développer une culture créole, au sens où « créole » connote ce qui est né dans la colonie, loin des terreaux originels. C’est la puissante leçon qui nous vient du Jazz, lequel, en terre de migration volontaire (comme les békés ») ou forcée, (comme les Africains), n’est pas plus africain qu’européen, il est la musique d’un peuple mixte : « Tous créoles ».
Nous sommes donc, tous des créoles, des produits de la colonie d’accueil ou d’atterrissage. Nous sommes devenus, après l’extinction des premiers autochtones Amérindiens, les nouveaux autochtones, tous par droit du sol, et non par la naissance.
Si, comme nous invitent à l’envisager, sous des angles d’approches différents, et Bernabé et Cyrulnik, et Charles-Nicolas, nous considérons la résilience sous l’angle de la performance sportive, comme une prise d’élan sur la planche du trauma pour « rebondir », Boukman et de Jaham, rebondissent, chacun à sa manière, mais dans deux disciplines différentes : l’un, au terme de la trajectoire verticale d’un saut en hauteur, retombe près de sa planche d’élan. Il aura promu, en hauteur, sa langue et sa culture (et cette trajectoire semble celle des artistes, bondir vers la lumière, ou vers le ciel). L’autre, au terme de la trajectoire parabolique d’un saut en longueur, retombe 7 ou 8 mètres plus loin, cherche à prendre des distances historiques, longitudinales, par rapport au passé. Et Jean Bernabé, le Pape du créole, l’a lui-même confirmé : c’est ce rebond en longueur qui a permis à Césaire de retomber, plus loin que la négritude dépassée, dans la
fraternité universelle.
« Tous créoles », à sa manière, est une invitation active et volontariste à l’universelle fraternité de tous les fils de la terre
martiniquaise, toutes « races confondues ».
Joseph Jos,
Proviseur honoraire, ancien attaché culturel à l’ambassade de France au Panama, a occupé, de Directeur de Cabinet à Conseiller Technique de Recteurs, toute la gamme des fonctions de l’Administration décentralisée de l’Ecole.

8 Commentaires

  1. Francis L

    mon cher Roger,
    je te trouve bien courageux d’aller débattre ( combattre ? ) avec Boukman !!Les visages en disent long, et notre écrivain militant transpirait la haine !!! Notre Martinique vaut mieux que cela et la recherche de l’harmonie, de la fraternité entre toutes les composantes, et la paix sociale et humaine, est un objectif supérieur et bien plus louable que les éternels flots d’insanité qui ne peuvent venir que d’individus complexés. Notre passé ( esclavage largement inclus ) a existé, nous l’avons ( ou devrions ) intégré. Les divisions sociales ( békés / noirs / mulâtres / coolis ) en classes diverses ont existé, et cela , il n’y a pas si longtemps ( notre jeunesse ) et si tout n’a pas disparu, combien de choses se sont améliorées qui feront disparaître ces différences un jour pas trop lointain. Restent les riches et les pauvres , il y en a partout et la crise financière et économique n’arrange rien. vivre dans le passé et pas avec le passé est une grave erreur qui montre son vrai visage chez monsieur Boukman et d’autres. Son fait d’armes ? avoir refusé de faire la guerre d’Algérie ? c’est son problème. Ceux ( Martiniquais ) qui y ont participé sont-ils des chiens de colonialistes ? certains sont morts. et tous ceux , antillais comme Français, qui ont donné leur vie pour que boukman vive libre, dans un pays libre, sont-ils aussi des chiens de colonialistes ? certains sont bien aveugles, mais les discours et actions , fussent-ils de « tous créoles » ne rendront pas la vue à ces excités. en tous cas, bravo d’avoir su garder ton calme, cela suffisait à montrer le chemin à suivre.
    francis

  2. DD

    Monsieur Joseph JOS ? Zéro fautes ! Au top !

  3. COLLIN DE LA RONCIERE

    Moi aussi , il me plait car il y a une vraie transcendance à cette histoire qui empoisonne les Antillais.
    Si Joseph Jos lit ce texte , j’aimerais qu’il me contacte!
    COLLIN DE LA RONCIERE

  4. # fSI #

    Je félicite le président pour sa bonne résistance à défendre la résilience…Au delà du folklore du débat, il faut retenir le fond…NOUS SOMMES ENTRES EN RÉSISTANCE… RÉSISTANCE FACE A CEUX QUI MÉPRISENT le bien fondé DE NOTRE ACTION…
    FOSS BA TOUS!

  5. Emmanuel

    Il y avait sur le plateau d’un côté une vision d’avenir, une envie de construire… Et de l’autre une vision étriquée, dogmatique, tournée vers le passé et la rancune stérile.
    Le camp de Tous Créoles -et celui de la Martinique positive- a marqué des points,
    Amitiés,
    Emmanuel

  6. BC

    Roger, tu étais parfait ! Tu étais calme, didactique, positif et Boukman avait l’air d’un vieux brigot accroché à sa roche !
    Je suis aussi très surprise du calme et de l’apparente neutralité de Nathalie Jos.
    En tous cas bravo !

  7. Edouard

    Excellent travail, triple “A” pour la performance : le calme, la hauteur à travers la créolité transcendante et impérative. Un pas positif que beaucoup de Martiniquais, à mon sens, comprendront et partageront.
    Edouard

  8. Dominique DOMIQUIN

    Du début de débat « BOOKMAN » versus De JAHAM
    Suite au succès retentissant de la conférence de Boris Cyrulnik il y à quelques jours, durant lequel des groupuscules inaudibles ont fort maladroitement tenté de prendre un peu de lumière, quelque chose est en train de bouger en Martinique. L’association Tous Créoles marque des points. Tant du point de vue de l’image que de la qualité du discours et des intentions affichées.
    A mon sens, sur un plan symbolique, ce qu’il y a de plus terrible dans ces images, compte tenu de ce que je sais de l’histoire singulière de la Martinique, c’est qu’aujourd’hui, alè, c’est celui qu’il est convenu d’appeler « le béké » qui semble représenter la volonté réelle d’avancer : Discours clair, cohérence, pondération, ancrage dans la réalité contemporaine, volonté réitérée de dialogue, recherche de pistes de travail, force de proposition, sentiment d’écoute, … Moi, sur ce coup-là, je vote de Jaham. Désolé !
    Mais c’est vrai que je n’ai que 40 balais et que je suis noir guadeloupéen. Depuis un certain Victor Hugues, mes contradictions à moi sont dans mon rapport à la France ; pas dans mon rapport aux békés. Je m’en contrecogne, des békés.
    En réalité, nous sommes très très très loin de tout savoir sur l’histoire de nos îles. IL FAUT ENCOURAGER LE TRAVAIL DES HISTORIENS CHERCHEURS. Moins on s’appuiera sur des fantasmes, mieux ce sera pour nous tous.
    http://pluzz.francetv.fr/videos/droit_de_suite_,72922198.html
    PS : Bookman, vré la, té on musulman ki té vlé douvini on « citoyen français ». Sé pas fransé pa té lé bay égalité, i pwofité pannan blan é milat té ka goumé pou fè nèg esklav lévé gawoulé. Objektif a’y pa té lendépandans a Ayiti. Attention à ne pas me contrarier là-dessus !

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